Mon propos commence par un récit d’une histoire vécue. Il s’agit d’un conte énonçant le mécanisme de transmission du pouvoir à la chefferie Fondjomekwet. Si les uns et les autres se sentent exposer malgré d’énormes précautions prises ici, cela est indépendant de ma volonté. Et je ne doute pas que ceux qui se trouveront en droit de me reprocher, éprouveront en même temps la fierté dissimulée d’avoir été des protagonistes d’une histoire qui peut servir de contre-exemple dans une démonstration (pour le triomphe des valeurs de démocratiques) aux kémites et autres panafricanistes qui, il me semble, veulent inventer une forme propre de dévolution du pouvoir en Afrique. Si ce post peut paraitre, c’est justement à la faveur des libertés en gestation dans notre pays ; puisque nos amis en Chine et dans certains pays arabes sont frappés d’interdit par des moyens tant informatiques que judiciaires.
Deux ans avant son décès je rendis visite à mon grand-père Sa Majesté le Roi des Fondjomekwets. Il me reçu rapidement dans sa loge de l’hôtel Hila à Douala. C’était un matin de vendredi. Vue le monde qui attendait je résolus de passer à l’essentiel par la formule de politesse usuelle consacrée aux rois : – Ohgiaha (me connais-tu ?) – Chisiele (assois-toi) me dit-il. Pour ne pas fatiguer le lecteur, je traduis en français la suite de la conversation. – Roi du pays, je suis venu te remercier d’avoir élevé ma maman au rang de Mbeuh po Fo ô. Ce terme peut être rendu par « Activatrice des princes. » – Comme-ça ? Me dit-il. – Mon Roi, je t’adore beaucoup. Dis-je. – Le roi est le roi de tous, de ceux qui l’aiment et de ceux qui ne l’aiment pas. Dit-il. Je compris que me dire « merci » serait une condescendance de sa part et il ne pouvait pas me faire ce cadeau. J’enchainai : – Je suis certain de pouvoir aimer celui que tu offriras en don aux pays. Une façon de demander vue son grand âge, qui sera donc ton successeur ? Tu n’ignores tout de même pas la guerre diplomatique pour ta succession que se livrent tes princes ? Chaque prince se voit déjà sacré roi. En courtoisie princière ce qui est dit masque ce que l’on veut dire. Et c’est le devoir de l’interlocuteur de décoder ce qui est dit pour pouvoir répondre à ce que cache la question. De ce point de vue, mon Grand-père est un précepteur. Il me dit : – celui-là qui est le roi du pays, c’est celui-là qui ne vas pas chercher des palabres parcequ’il sera déjà roi. – C’est donc une histoire de gangsters, pensai-je. Je revis alors les scènes édifiantes. Les princes les plus téméraires avaient déjà leur cours constituées des princes qui se croyaient les moins aptes à concourir pour la royauté, des éléments plus ou moins éloigné de la famille royales et même de certains notables. Lors des manifestations j’attendais des gens dire : « – nous voulons quelqu’un du village. » Ces mots sonnaient à merveille aux oreilles des princes dont les mères sortaient du village. Dans la lutte pour la conquête du pouvoir, il y avait l’effort de chaque garçon légitimement ambitieux. Il y avait aussi la parade des filles injustement écartées de la charge royale par les traditions locales. Chacune allant de son mieux pour que le choix final désigne un de ses frères maternels. Une des princesses n’a pas hésité à menacer le Roi : « – tu me laisses à qui ? J’ai ouvert mes fesses à Yaoundé aux Ministres pour les affaires du Rdpc. ». Il faut expliquer que la famille royale régnante est constituée d’un roi, ses femmes et ses enfants. À la cour royale, une mère et ses enfants constituent une famille maternelle. Il me semble que cette bataille pour le pouvoir n’était pas que verbale. Un de mes amis dans cette mêlée, le seul qui combinait la beauté, la rigueur, la vertu et la prestance pour cette tâche est mort empoisonné. Un autre grand tribun sympathique et rassembleur, fut transformé en une occasion en « toutoue ». Un état passager où une victime déclame de façon réfléchie mais indépendamment de sa volonté les mots prononcés par un opérateur inconnu. Il avait commis la bêtise de dire au roi « il te faut déjà me laisser la place » Toutes ces choses me traversèrent la mémoire en un temps éclaire. Je dis alors : Roi du pays, es-tu certain d’avoir donné dans l’exercice de ta fonction tout le meilleur dont tu es capable ou bien, est-ce que tu penses que le meilleur est à venir pour Fondjomekwet ? À cette question, il déchiffra que je l’interrogeais sur son bilan. Il tourna doucement la tête de la gauche vers la droite et demanda à un sujet qui se tenait là de me conduire au restaurant et que l’on me serve ce que je veux. Qu’avais-je fait à sa Majesté pour mériter une telle faveur ? Je ne pouvais le dire. Toujours est-il que, avec un sourire flatteur, deux princes me suivirent à ma table. J’étais dans une situation inconfortable, l’usage veut que l’on ne soit pas une charge pour le Roi. Étant sans le sou, je me dis qu’il vaut mieux ne rien manger que de me couvrir du déshonneur de voir le roi régler ma note de restaurant. J’étais à ces réflexions quand je vis une amoureuse d’enfance faire son entrée dans la salle. Je fis un mouvement d’avance vers elle et lui expliquai sans ménagement la situation. Elle invita alors le serveur à lui apporter l’addition dans sa chambre. Je revins alors à mes deux amis du moment avec un prestige rehaussé. Au chois de chacun, la table fut bientôt garnie. La conversation s’enchaînait de plus belle. Au demeurant mes princes n’avaient rien saisi de mes échanges avec leur père. J’étais préparé à parlez avec le roi. Aussi parler avec ces derniers me paraissait ennuyeux. Aussi je répondais laconiquement à leurs sophismes et présomptions. Tu trouves ? C’est cela même. – C’est possible… Et comme ils ne pouvaient par voir que je n’étais pas avec eux, je retournai à la question qui m’a valu ces déboires. Comment expliquer que mon grand-père le Roi qui fut le Maire de Banja pendant plus d’une décennie, n’a pas de route viable qui mène chez lui ? En saison sèche la poussière atteint par endroit 20 cm d’épaisseur. En temps de pluie, il vaut mieux faire le trajet à pied qu’en voiture alors que la matière première pour cette route existe à profusion dans les montagnes environnantes. Les techniques pour construire les routes en pavés de pierres existent depuis plus de 20 000 ans avant notre ère. J’étais dans ces sortes de pensée quand le roi vint dans la salle, me fit venir vers lui et me dit : – Qui est venu faire quoi au pays et j’ai refusé ? – Le roi est avant tout le bien du pays ! Dis-je. – Tu as compris ! Dit-il et quitta ce lieu. C’était avec frayeur que j’ai répondu à sa question. Du questionneur que j’ai été au début de l’entretien, je suis devenu le questionné. Je me dis que la question qui m’a valu un congé au restaurant de l’hôtel, avait éveillé en lui les critiques et les reproches que les villageois disaient de lui et dont il avait connaissance. Il se résolut alors de savoir de quel coté je me trouvais. Il voulait savoir si j’étais un représentant de ses ennemis ou un simple admirateur curieux. L’image de ce villageois qui était mort paralysé pour avoir importé un parti d’opposition au village me traversa la tête. Je me dis alors que mon intégrité physique et psychique dépendait de la formulation de ma réponse à sa question. D’ailleurs aurai-je répondu autrement ? En admettant que toute critique fût possible. Mon grand-père allait bientôt tutoyer sa conscience quand la bonne heure aura sonné. De ce point de vue ma question fut en soi pédagogique. Il n’était donc pas sage de trouver une formule courtoise pour lui dire que c’est blâmable de justifier son inaction par l’inertie de ses sujets. Mais le Roi ne pouvait pas perdre de vue qu’il n’était pas en face d’un admirateur ; cela faisait 35 ans que je n’avais cherché à le voir chaque fois que sous la contrainte des événements. Mais ma réponse à sa question témoignait de mon caractère inoffensif. À ces yeux je refusais d’assumer mon rôle d’opposant et d’éveiller en lui son animalité. Dans l’art royal relatif à la répression, l’adversaire n’est foudroyé que s’il a confirmé sa position. Ce Roi ayant une haute estime de lui-même ne pouvait pas déroger à cette règle. Il y avait donc pour moi une marge de sortie honorable. Et je m’y suis refugié en lui clamant qu’il est le bien du pays. Aussi dans sa bouche, « tu as compris » signifie « tu t’es prémuni et c’est tant mieux pour toi. » J’étais donc un vulgaire lâche. Il le fallait bien parceque l’urgence à ce moment là dans cet hôtel, était de retrouver une ancienne intimité pour obtenir éventuellement une rallonge de sa créance du jour. Cependant aucune certitude n’était envisageable d’avance. Quand une femme aguicheuse nous tire d’affaire, c’est pour parfois nous soumettre à une humiliation encore plus grande. Toutefois, et quoi qu’il advienne, elle aura déjà acheté ma tolérance.
Sa majesté Kamga David, le Roi des fondjomekwets mourut le 4 Décembre 2008. Le cérémonial pour coopter le successeur désigné était fixé le 4 janvier 2009. Je résolus de ne courtiser aucun des candidats sérieux. Je risquais de lui faire flairer inutilement mon pressentiment que la royauté lui était échue. Je me serais alors senti obliger d’aller le réconforter après la perte de cette charge tant convoitée. Moi aussi j’étais un prétendant à cette couronne. Mais il me fallut pour être désigné que 475 personnes au minimum soient t d’abord inaptes à assumer cette tâche de Roi. Ainsi, je n’avais donc aucune chance. Ce dimanche-là à Fondjomekwet, je serais un spectateur.
Parfois, nous sommes attirés par ce que nous osons fuir. 9 jours avant le jour « j », J’accompagnais mes frères et sœurs qui voyageaient pour participer aux travaux nécessaires à l’événement. En passant devant un bistro à Bépanda Douala, les mots, « hey ! Whoweoui (c’est qui là ?) Aboubakar », ont retenti. J’ai regardé et vu un prince dans un costume qui lui allait admirablement bien. Alors, j’ai crié : – Miehou (Sa Grandeur) comment tu vas ? – Entre et prend place ! dit-il. Ce que je fis. Aussitôt il donna l’ordre que l’on me serve du bon vin. Ce qui fut fait. – C’est le Roi qui t’offre, le Roi des fondjomekwets ! Dit-il. Je compris pourquoi ses yeux ce sont illuminés quand je l’ai appelé « Sa Grandeur », malgré sa petite taille et son handicape. D’où pouvait lui venir une telle certitude ? De la bouche de son père sans doute. Le grand-père aurait peut-être donné des gages théoriques de sa succession à chacun de ses fils les plus avides du pouvoir. Personne ne pouvait se douter que c’est une politique de préservation. Ce vieux lion à son crépuscule, se devait d’éviter que ses mâles dans leurs ardeurs convoitantes se neutralisent ou même s’entretuent dans leur lutte légitime pour accéder au trône. Sa succession pouvait alors sortir de sa lignée. Aussi, quand le Roi m’a dit « – celui-là qui est le Roi du pays, c’est celui-là qui ne vas pas chercher des palabres parcequ’il sera déjà Roi », seul contait pour lui le terme « ne vas pas chercher des palabres ». Dans son immense amour pour ses fils, il miroitait à chacun son trône et appelait au calme. Qui aurait pu faire autrement dans cette situation ? Je ne vois pas dans ce conteste une alternative crédible. Toutefois, par mesure de sauvegarde après lui, la paix à sa cour, et dans ses prérogatives discrétionnaires, il peut arriver que le Roi mette à mort par des moyens occultes, celui de ses enfants dont la soif pour le pouvoir risque de l’amener à contester les choix successoraux de son père. C’est ce qui dit-on peut expliquer dans certaines cours royales, les décès de certains mâles juste avant celui du Roi. Et je ne dis pas que ce fut le cas à fondjomekwet. Mais je laisse supposer cette possibilité dans certain cas vue ailleurs. Ce qui est purement subjectif pour pousser les historiens qui me liront de ne pas se limiter au jeu de surface quant ils examineront plus en détails les faits relatifs aux chefferies. Parceque tout pouvoir est dangereux même pour les siens. Que ce pouvoir soit démocratique ou non. Et voici que, maintenant j’ai devant moi un prince qui mentalement est déjà consacré Roi. Comme je l’observais, une curiosité me frappa. Contrairement à ces frères et sœurs que j ai déjà vue, il était le seul à ne pas avoir les traits physiologique de son père. Mais vue ses certitudes, cet aspect des choses était sans considération. Comme il n’était pas encore pratiquement Roi, je pouvais lui poser des questions transparentes. Non pas parceque en tant que Roi, il n’apprécierait pas des questions transparentes, mais parceque si un des éléments de sa cour qui l’assistent dans ses fonctions, a le sentiment que nous avons manqué du respect au Roi, nous pouvons recevoir une décharge psychique. J’appréciais ses vocables de « profit pour le village », « d’avantage pour le village ».pour lui l’élite et la bourgeoisie locales devraient dorénavant servir d’ascenseur social pour les jeunes du village au-delà de leur cellules familiales. Aussi, j’étais sincère quand, en le quittant, je lui dis : – Sa Grandeur, je suis fier de savoir que nous sommes à la cour. À quel niveau ou à quel étage étions-nous à la chefferie, cela était évident pour moi et pas encore pou lui. Une rumeur à la cour royale dit que le Roi c’est celui-là qui est né avec une marque de bracelet sur la main. Mais dans le cas présent, ils étaient plusieurs dans cette situation. Mon grand père ne pouvait pas être dupe. N’importe quelle femme ambitieuse de sa cour, sait se faire initier pour pouvoir produire un tel phénomène sur son garçon à naitre. Et celle qui n’a pas l’initiation suffisante peut toujours recourir aux professionnels des sortilèges. Connaissant mon grand père pour l’avoir affronté plusieurs fois, Les chances de ce boiteux étaient bonnes, son handicape extérieur ne pouvait influencer les choix du Roi. J’ai déjà dit que j’étais au mieux, le 475ième candidat. Et je fis le calcul pour lui par mémoire, en comparaison aux autres candidats possibles, il me paraissait avoir un projet politique conséquent et je m’en voulus de ne pas avoir côtoyé les autres candidats. Cela fusse impossible parceque tous n’étaient pas au pays. Je n’arrivais pas à lui attribuer un rang. Et je souhaitais alors que ce soit lui le prochain Roi des fondjomekwets. Il était encore assis parcequ’il voulait arriver au village le plus tard possible. De manière à sortir de sa case maternelle le lendemain au lever du jour comme s’il avait toujours été là.
Ce dimanche là, j’arrivais à la chefferie de Fondjomekwet vers 9h en bonne compagnie. Pour la circonstance, J’avais cru bon de me procurer un aide de camp. Il devait être suffisamment prestigieux pour mériter ma considération et suffisamment effacé pour accepter mon leadership. Je n’eus donc pas de peine à me faire accompagner par Charles Ruffin Toche, un notable Tchougou. Aussitôt arrivé dans la case familiale, mes petites sœurs s’affairaient pour s’occuper de nous, Je goutais aux joies de me trouver être leur grand frère. J’avais donc là une cour royale à moi. Je leur témoignais ma reconnaissance et me dirigeais vers le camp dédié à la manifestation. À l’entrée de la cour royale, je vis une dizaine de shop à ciel ouvert nouvellement construit en fibre de bois. C’était des espaces réservées à la collation qui devrait suivre la cooptation du nouveau Roi. Il m’apparaissait que j’étais le bienvenu dans 3 shop, j’en étais honoré et me suis dit que, vue le grand monde qui s’annonçait, mon absence ne serait pas constaté. Je parvenais enfin au camp. Il y avait une tribune dédiée aux princes, une tribune dédiée au reste du village, une tribune pour les notables, les rois et les autorités administratives et une tribune pour les femmes de la cours, leurs amis et alliés. Je prenais place à la tribune des princes. Ce qui m’importait plus que tout, c’était la philosophie politique de la nouvelle classe régnante qui accédait ce matin là aux commandes de la chefferie. Alors sans attention, je regardais parler les orateurs qui se succédaient à la plate forme jusqu’au moment où la représentante des princesses et princes fut annoncée à l’estrade. D’un pas assuré, elle s’élançait pour jouer son rôle. D’un ton clair et enjoué, elle affirma la disponibilité de ces frères et sœurs à accepter sans compromis le Roi qui sera désigné. Je trouvais cela sage. Allait-elle nuancer son propos en profitant de cette opportunité pour contester un mode de désignation des chefs qui exclu les femmes ? Fille de son père, elle ne pouvait qu’être conservatrice. Aussi, je ne fus pas surpris lorsqu’elle coula dans l’opportunisme en confirmant le basculement du village Fondjomekwet dans le parti au pouvoir. C’était de l’arbitraire. Vue le jeune âge de cette princesse, je me suis dit que le pouvoirisme est entrain de ce renouveler au Cameroun. À Fondjomekwet on bat pavillon Rdpc comme à Yaoundé on bat pavillon français. La ruse à fondjomekwet, est que l’on brandit les résultats électoraux en faveur de Rdpc pour espérer plus de faveur et de poste dans l’administration alors que dans le même temps les villageois manque de route pour évacuer leurs productions vers les centres de consommation. La ruse à Yaoundé est que l’on détourne de sommes colossaux pour acheter l’influence des officiels français pour être sûr de se faire nommer Ministre, ambassadeur ou Président de la république alors que dans le même temps, les financements manquent pour des infrastructures structurantes. Les rusés non pas de philosophie. Ils jouissent du moment. Ils sont imperméables à la Pensée. Les philosophes appellent ces vulgarités, l’attrait de l’immédiat. C’est une difficulté pour leurs adversaires.
La phase des discours était terminée. Au son des tambours, ma mère pataugeait à la tête de la procession qui confluait vers la place d’où résonnaient les tamtams. Elle appartenait déjà au règne finissant. Et pourtant, tout en étant habitée par la maladie, elle chantonnait et j’étais content de la voir ainsi. C’était une fille de la Bravoure. Elle n’était ni actrice ni figurante sous le règne de son frère et Roi des fondjomekwets. Il me semblait qu’elle ne fut qu’un outil ou plutôt une feuille morte au vent ; elle était là où la voulait le Roi sans contrepartie aucune. Mais cela lui plaisait et il m’apparaissait sage de la laisser dans cette situation. Le but du folklore qu’elle conduisait, était d’attirer les princes et princesses pour que le protocole initiatique ait une lisibilité suffisante pour voir et coopter les nominés du défunt Roi. J’ai vu coopter trois garçons et une fille. C’est ma mère en personne qui a coopté la fille. À ce moment je reconnus sa haute position dans l’Esprit de son défunt frère le Roi. Je compris pourquoi depuis le décès, elle ne voulut pas me voir avant ce jour. Elle ne voulait par me dire qui étaient les élus de son frère le Roi. Je pensais que le premier coopté Tchoumbou, était le nouveau Roi. Mais quand il arriva au Lagkam, Djoumbissié s’y trouvait déjà. Il en était ainsi parceque quelques semaine avant son décès, le Roi kamga avait convié son ami le Roi de Tchoula pour le soumettre à un rituel d’intégrité. Après quoi cet ami la tête d’une délégation restreinte, composée de Deux petites sœurs du Roi Kamga, achemina un colis au palais du gouverneur à Bafoussam. Ce colis contenait par ordre, les noms des nominés pour la chefferie de Fondjomekwet. Les Chefs Batié, Banja et Fomopia reçurent des copies. C’est ainsi que, quand le protocole initiatique a aperçu Djoumbissié au environ de Banja, il fut happé et conduit au Lagkam en attendant ses adjoints. Par supputation, on peut dire qu’il s’agit d’une mesure de sauvegarde ; étant donné la convoitise que suscite la fonction de royale. Parceque, tant que le nominé n’a pas franchi le seuil du Lagkam, il peut être d’une manière ou d’une autre frappé de l’incapacité à régner. Dans le cas d’espèces les fils que l’on coopte sur la place publique servent de bouclier à celui qui est déjà au Lagkam. Le Lagkam est orthographié souvent Lâkam chez certains auteurs ; mais quand j’écris « Lagkam » c est tel que je le prononce en patois. Ce mot signifie littéralement « lieu-rassembleur » originellement, on voulait dire « le pays des rassembleurs ». C’est dans ce cadre que les préférés du défunt Roi acquièrent de l’aptitude pour les tâches qui relèveront de leurs fonctions. Quand la notabilité présentait au représentant du Chef de l’État le nouveau Roi des fondjomekwets, je me retrouvais déjà à Bafang d’où j’étais parti le matin. Cette présentation m’était égale. Aussi bien dans la république que dans un royaume, il doit être manifeste qu’un Roi n’a de légitimité que dans la mesure où il admet les activités politiques, partisanes et plurielles des villageois qui acceptent son autorité. Toute autre alternative n’est que faillite et disgrâce.
Mais où était donc passer mon ami le prince de Bépanda ? Il n’était pas parmi les cooptés. Je ne l’avais pas aperçu non plus dans la procession. Dans ma conjecture, je supposais qu’il se serait laissé abattre quand un notable dans le secret de son défunt père lui aurait peut être dit : – tu n’es pas dedans. Deux jours après il ne me décrochait toujours pas au téléphone. Je décidais de ne plus l’appeler. C’était un pur produit du biyaisme. À-t-on besoin de verrouiller le système électorale au profit d’un Président si la défaite lui est envisageable ? N’est-ce pas une immaturité morale et politique de se présenter à une élection si on n’est pas apte à supporter la défaite ? Aux dires des commentateurs, la gestion des élections au Cameroun ne permet pas une possibilité d’alternance. Nous laissons dire pour ne pas nous exposer aux services secrets tout comme à fondjomekwet, nous laissons faire le roi pour ne pas nous exposer aux sociétés secrètes. Ainsi va la vie. À Fondjomekwet, l’électeur avait été une seule personne, son roi mourant.
Ce court récit me semble suffisamment explicite pour permettre de répondre aux charges des Kamites ou Kémites (mot qui vient de Cham ou Kam, ancien nom de l’Égypte) et autres panafricanistes contre la démocratie. Passons d’abord en revue ce qu’ils disent :
1- Le model de gouvernance dans les chefferies traditionnelles est reproductible à l’échelle des États.
2- L’on ne démocratise pas la colonie
3- La démocratie ne pose pas les vrais problèmes de la société.
4- En occident, la démocratie se joue contre les peuples.
5- La démocratie est le stade suprême de l’impérialisme
6- L’Afrique doit inventer son model scientifique, économique et politique.
En prenant notre récit comme fonds documentaire, je me propose de déconstruire ces propositions en montrant que ces désapprobations de l’effort démocratique, prennent leur source dans la pensée régressive et répressive mise en déroute depuis les années 60 par l’Américain Barry Goldwater. Il faut dire que le Mouvement ka(é)mite qui vise la renaissance africaine par ses propres moyens, est plus connu au États-Unis et parmi la diaspora africaine en Europe. Le Panafricanisme est un mouvement endogène qui appelle depuis les années 50 à l’unité politique en Afrique. Comme tout Mouvement dont les acteurs sont pluriels, la diversité d’approche leur est inhérente. Mais il me semble qu’un groupe se réclamant de ce Mouvement occupe des plateaux de télévision et ont pour leitmotiv, la contre-démocratie. Leur chef de file s’appelle Banda Kani.
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