L’enquête minutieuse que publie le journaliste américain Adam Hochschild, justement sous titrée un holocauste oublié, est bouleversante. Vers la fin des années 1870, l’écho des exploits de l’explorateur américain Henry Morton Stanley en Afrique parvient à la cour de Belgique. Ce que retient Léopold, monarque constitutionnel d’un minuscule pays, c’est qu’il y a quelque part des terres vierges à conquérir. C’est décidé, il sera le mécène de cet explorateur journaliste quelque peu bidouilleur et prompt à dégainer sur l’autochtone africain. Pendant cinq ans, de 1885 à 1890, Stanley, que les africains nomment Boula Matari, ne chômera pas. Sous couvert d’expéditions civilisatrices, il fonde le long du fleuve Congo une chaîne de comptoirs. Des chefs africains illettrés signent des documents dans lesquels ils reconnaissent au roi la pleine propriété de leurs terres, et s’engagent à lui fournir le personnel nécessaire à l’exploitation et au transport de l’ivoire et du caoutchouc.
Viols, incendies de villages, mutilations, fouet, esclavage, nouveau-nés jetés dans les fossés. Les fonctionnaires de Léopold ne ménagent pas leur peine. Les congolais enrôlés dans la force publique ne sont pas mieux traités. Pour obtenir une armée disciplinée et une main d’œuvre aussi docile que gratuite, on prenait les épouses et les enfants en otages. Quand les premiers témoignages accablants parviennent en Europe et aux États-Unis, personne n’y croit et tout le monde s’en fiche.