Il suffit juste d’un infime effort de recherche pour découvrir qu’à l’instar des autres races, les Noirs ont aussi participé à l’aventure de l’esprit humain. Savants ou inventeurs, ils ne figurent nulle part dans le livre mondial de l’invention recensant ceux qui ont permis les progrès de l’humanité, se désole Yves Antoine, un Haïtien qui a écrit un livre sur le sujet.
A l’image des braves « tirailleurs Sénégalais », ces scientifiques noirs sont soigneusement « oubliés » par le monde bien que leurs inventions sont d’un usage quotidien.
En effet, combien parmi les millions d’automobilistes, qui s’arrêtent chaque jour au feu rouge à travers le monde, savent que cet outil indispensable à la gestion de la circulation urbaine a été inventé par un Noir ? C’est en 1923 pourtant que l’Afro-Américain autodidacte, né en 1875 dans le Tennessee, Garrett Augustus Morgan a mis au point les feux tricolores. Pour 40.000 dollars de l’époque, il céda son invention à la General Electric Company.
Très ingénieux, ce dernier va également utiliser ses compétences en Chimie pour inventer le masque à gaz, dont le brevet fut déposé en 1914 aux Etats-Unis. Il contribuera ainsi à sauver des milliers de vies humaines, surtout pendant la Première Guerre Mondiale (1914-1918) où le gaz de combat fut utilisé pour la première fois comme une arme de destruction massive.
Né à la Nouvelle-Orléans en 1806, son compatriote d’infortune, Norbert Rilieux a révolutionné la fabrication industrielle du sucre. Il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages sur les machines à vapeur.
Lewis H. Latimer, quant à lui, a su grâce au filament de carbone apporter les améliorations nécessaires à la lampe à incandescence (l’ampoule électrique) inventée en 1879 par Edison. Ces améliorations ont également permis sa fabrication industrielle et son utilisation à grande échelle dans la vie de tous les jours.
Andrew J. Beard, un autre Afro-Américain, mettra au point le moteur à combustion tandis que l’imagination de John V. Smith donna naissance aux freins de voiture le 23 avril 1872. Le 2 février 1892, Carter William inventa la charpente métallique de la voiture. Toujours dans le domaine du transport, le 19 septembre 1893, Elbert R. Robinson va mettre au point le trolley électrique sur rail et Gradville T. Woods le système d’électrification des voies ferrées. L’Afro-Américain Mc Koy inventa le système de lubrification des moteurs en marche.
Même s’il ne s’agit pas de faire le recensement exhaustif des découvertes et innovations faites par des Noirs, continuons ce tour d’horizon en mentionnant que John Stenard inventa le réfrigérateur le 14 juillet 1891. On ne saurait oublier Lee S. Burridge et Newman R. Mashman qui inventèrent la machine à écrire le 7 avril 1885, année même où les puissances européennes se partagèrent l’Afrique à Berlin.
Granville T. Woods cité plus haut inventa l’antenne parabolique, le 7 juin 1889. Le 11 octobre de la même année, il mit au point les systèmes et les appareils téléphoniques. Deux ans plus tard, le 1er janvier 1891, il inventa l’interrupteur électrique.
Le 23 avril 1895, Clatonia Joaquim Dorticus apporta aussi sa modeste contribution à l’œuvre humaine en inventant le révélateur photographique.
Imprimer un journal ou un livre, un geste banal pour nous. Mais bon nombre de gens ignorent que la rotative de presse a été inventée le 17 septembre 1878 par W. A. Lavalette.
Dans le domaine militaire, le Brésilien Andreas Rebouças (1838-1898) mit au point la torpille, l’arme anti-navire très connue par les armées du monde entier, lors de la guerre contre le Paraguay en 1864.
Victimes de l’injustice
Aux Etats-Unis, l’inventivité des Noirs n’a jamais été niée. Voyant la prolixité de leur créativité, un Avocat général des Etats-Unis, Jeremiah S. Black fera passer en 1858 une loi contre le dépôt de brevets d’invention par les esclaves. A cette époque, un brevet Américain était un contrat entre le gouvernement des Etats-Unis et l’inventeur. L’esclave n’étant pas considéré comme citoyen Américain, il ne pouvait donc pas selon la loi votée par Mr. Black signer un contrat avec le gouvernement américain mais céder son invention à son maître. Cela donne donc à penser qu’un certain nombre d’inventions faites par des Africains-Américains étaient souvent reconnues à leurs maîtres esclavagistes.
Heureusement, on ne peut cacher le soleil avec ses mains. Dans le domaine nucléaire, d’autres Américains Noirs se sont illustrés. C’est le cas de sept d’entre qui ont participé entre 1942 et 1945 au fameux projet Manhattan, qui mobilisa les plus brillants esprits scientifiques de l’époque et dont les recherches aboutirent à la bombe atomique. Ces sept physiciens et ingénieurs Noirs sont Lloyd Albert Quaterman, Ralph Gardner, Edward A. Russel, Moddie Taylor, Harold Delaney, Benjamin Scott, J. Ernest Wilkins et Jaspar Jeffries.
Titulaire d’un doctorat en physique (qu’il a soutenu le 14 mai 1962 à Paris) et ingénieur au Commissariat à l’Energie atomique, le Guadeloupéen Raoul-Georges Nicolo est l’inventeur du bloc de commutation pour la télévision multi-canal. Ce bloc permet la réception de plusieurs chaînes sur un même poste de télévision. Il est également l’inventeur des dispositifs de contrôle de la réactivité des piles atomiques en régime sous-critique. Mr. Nicolo est aussi l’initiateur de l’introduction de l’électronique dans les appareils de contrôle nucléaires et a rédigé de nombreux ouvrages de contribution.
Toujours dans les sciences exactes, l’Afro-Américain David Blackwell s’est vu décerner le prix John Von Newman, récompensant le meilleur mathématicien au monde.
Né en 1954, un Nigérian émigré aux Etats-Unis, Philip Emeagwali a été récompensé par la plus haute distinction scientifique (le prix Gordon Bill) pour l’invention en 1989 de l’ordinateur de calcul le plus rapide au monde. D’autres inventions dans le domaine informatique sont à mettre au compte de celui que l’on qualifie de génie.
En Chimie, on peut citer le prolifique savant Afro-Américain George Washington Carver (1864-1943). Ses travaux les plus célèbres concernent l’arachide et la pomme de terre, dont il a tiré des produits aussi différents que le shampoing, le vinaigre, le savon ou la poudre de toilette. Ses découvertes portent aussi sur la transformation du coton pour faire des planches d’isolation, du papier, du cordage, la fabrication de pièces automobiles en plastique à base de soja ou la mise au point d’engrais.
Dans le domaine Médecine, les Afro-Américains se sont particulièrement illustrés. En effet, la première opération à cœur ouvert fut effectuée avec succès en 1893 par le Dr. Daniel Hale Williams (1856-1931) à une époque où la chirurgie n’en était qu’à ses balbutiements. Atteint d’une balle à la poitrine, son jeune patient a ensuite vécu jusqu’à 50 ans passés.
A la fin des années 30, on était déjà parvenu à transfuser du sang. Mais on ne savait pas comment conserver ce liquide qui, en dehors du corps, se détériore rapidement. C’est un médecin Afro-Américain, le Dr. Charles Richard Drew (1904-1950) qui va trouver la solution. Il a découvert que le plasma se prêtait bien mieux au stockage. Son travail eut une importance capitale dans la Seconde Guerre Mondiale, puisque ce chercheur a été chargé d’organiser l’expédition de plasma pour les blessés vers la Grande-Bretagne.
Dans le domaine de la recherche, le spécialiste en bactériologie, William Augustus Hinton (1883-1959) fit des recherches, notamment sur l’élaboration d’un test de dépistage de la syphilis qui permirent d’avancer dans lutte contre une maladie qui, il n’y a pas si longtemps, terrorisait autant que le Sida.
D’autres inventions comme le peigne à cheveux, la guitare, la balayeuse des rues, la tondeuse à gazon sont à mettre à l’actif des Afro-Américains.
Sur notre continent, on ne saurait parler de ces savants noirs sans rendre hommage au Sénégalais Cheikh Anta Diop, Physicien et Egyptologue de renom, mort en avril 1986. Par ses recherches, il a prouvé le caractère nègre de l’Egypte antique au cours d’une rencontre épique au Caire en 1974 ruinant définitivement les thèses des occidentaux qui déniaient à la civilisation bâtie dans la patrie des pharaons, sa négritude.
Nous ne terminerons pas sans citer un chercheur de la diaspora, dont le nom est mondialement connu : Mr. Cheick Modibo Diarra, navigateur interplanétaire à la NASA et d’origine malienne. Il guida les sondes Magellan vers Vénus en 1989, Galiléo vers Jupiter, Ulysse vers le Soleil, Observer et Pathfinder vers Mars. Aujourd’hui, il est le Directeur Microsoft Afrique de l’Ouest.
Afin que les efforts de ces savants et inventeurs noirs ne soient pas vain, il nous incombe la responsabilité de ne pas laisser leurs œuvres dans l’oubli. Nous devons essayer de suivre leurs traces et en faire des modèles pour à les générations futures afin de bâtir notre continent. Notre fierté d’être noir et notre rigueur dans l’élaboration de nos projets de développement serait la meilleure récompense que nous pourrions leur offrir.