Nous sommes en 1992, au Musée égyptien de Munich. Svetla Balabanova, toxicologue et médecin légiste, examine la momie de Henoubtaoui, une prêtresse de la XXIème dynastie (1085-950 avant J.C.). Avec stupéfaction, elle constate que l’examen révèle des traces de nicotine et de cocaïne. Or, ces deux substances ne seront connues dans l’Ancien monde qu’après l’expédition de Christophe Colomb, soit plus de 2500 ans plus tard ! Leur présence dans une momie égyptienne est donc totalement impossible.
Afin d’en avoir le cœur net, elle refait une série d’analyses qui, contre toute attente, confirment la première : il s’agit bien de nicotine et de cocaïne. Persuadée qu’il s’agit d’une erreur de manipulation, Svetla Balabanova envoie des échantillons à d’autres laboratoires. Les nouvelles analyses corroborent les siennes. Cette fois, le doute n’est plus permis : la momie de Henoubtaoui recèle les traces de deux substances qui n’apparaîtront en Égypte que vingt cinq siècles plus tard, au moins ! Afin de faire part de sa surprenante découverte, Svetla Balabanova publie un article, qui relance aussitôt la polémique. La réaction ne se fait pas attendre. Elle reçoit quantité de lettres de menaces, voire d’injures. On l’accuse d’avoir falsifié les tests. Pour les archéologues et les historiens, les voyages vers l’Amérique avant Christophe Colomb constituent une impossibilité totale.
De nouveaux examens confirment la présence de la nicotine et de la cocaïne Svetla Balabanova envisage alors une autre possibilité. Peut-être la momie a-t-elle subi une contamination extérieure. Prudente, la toxicologue effectue un nouveau type d’examen. Elle a travaillé pour la police en tant que médecin légiste. Une méthode infaillible permet de déterminer si un défunt a réellement absorbé de la drogue. Il suffit pour cela d’analyser la gangue des cheveux. Celle-ci conserve les traces des molécules correspondantes pendant des mois, ou indéfiniment en cas de décès. Ce procédé, qui a déjà permis de confondre des criminels, est reconnu par les tribunaux. Une fois encore, l’incroyable résultat s’impose : la gangue des cheveux d’Henoubtaoui contient nicotine et cocaïne. L’hypothèse d’une contamination extérieure ne tient donc pas.
En 1976, la momie de Ramsès II est ramenée à Paris par Mme Christiane Desroches Noblecourt, égyptologue de grande réputation. Cette momie est reçue avec les honneurs d’un chef d’état. Mais elle est en France pour subir une restauration, en raison de son mauvais état. On effectue alors des prélèvements. Le docteur Michelle Lescot, du muséum d’histoire naturelle de Paris, effectue elle- même des recherches… et constate la présence de cristaux caractéristiques du tabac. Or, Ramsès II est mort en 1213 avant J.C. Cette présence est donc a priori impossible. L’affaire provoque une vive émotion dans les milieux archéologiques et historique. On crie au scandale, à la supercherie. Elle n’aura pas de suite : l’hypothèse d’une liaison entre l’Amérique et la Méditerranée sous l’Antiquité est, du point de vue des historiens, une aberration. Il s’agit obligatoirement d’une erreur, et le « scandale » est étouffé.
Cependant, dans son ouvrage RAMSES II, la Véritable Histoire, paru en 1996 chez Pygmalion, Christiane Desroches Noblecourt écrit : « Au moment de sa momification, son torse avait été rempli de nombreux produits désinfectants : les embaumeurs avaient utilisé un fin « hachis » de feuille de Nicotiana L., trouvé contre les parois internes du thorax, à côté de dépôts de nicotine, certainement contemporains de la momification, mais qui posent problème, car ce végétal était encore inconnu en Égypte, semble- t- il. » (RAMSES II, la Véritable Histoire, page 50).
Cependant, dans son ouvrage RAMSES II, la Véritable Histoire, paru en 1996 chez Pygmalion, Christiane Desroches Noblecourt écrit : « Au moment de sa momification, son torse avait été rempli de nombreux produits désinfectants : les embaumeurs avaient utilisé un fin « hachis » de feuille de Nicotiana L., trouvé contre les parois internes du thorax, à côté de dépôts de nicotine, certainement contemporains de la momification, mais qui posent problème, car ce végétal était encore inconnu en Égypte, semble-
D’où provenait le tabac des Égyptiens ?
Le tabac égyptien, pour quelle utilisation ? Svetla Balabanova poursuit ses recherches, et fait une constatation surprenante : la quantité de nicotine décelée dans la gangue des cheveux prouve une consommation énorme, qui, normalement, aurait dû provoquer la mort du consommateur. À moins que ce consommateur ne soit déjà mort. Elle émet alors une autre hypothèse : le tabac entrait dans le processus de momification.
Celui-ci fut toujours gardé secret par les prêtres, et l’on ignore encore aujourd’hui les détails de cette opération, et surtout quelles substances étaient utilisées. Mais cette découverte parlent en faveur d’un emploi du tabac en Égypte bien avant J.C. D’où provenait le tabac des Égyptiens ? On sait que les Égyptiens consommaient des drogues comme la mandragore, le chanvre, l’opium, ainsi que le hachisch, essentiellement pour leurs vertus médicinales. Il a très bien pu exister, dans l’Antiquité, une plante, proche parente du tabac, qui provoquait les mêmes effets et qui a disparu, en raison d’une trop grande consommation. Il est probable que ce tabac venait d’ailleurs. Mais d’où ?
Ce végétal est originaire d’Amérique du Sud. Mais on en trouve aussi des variétés en Océanie et en Polynésie. Était-ce ce tabac qui parvenait en Égypte, après avoir suivi les routes commerciales de l’Extrême-Orient, de l’Inde, de la Perse et de la Mésopotamie ? Cela supposerait qu’il existait déjà, à l’époque, des liens commerciaux avec ces contrées lointaines. Cette hypothèse est corroborée par le fait que l’on a retrouvé des fils de soie dans une momie égyptienne de Louqsor.
Or cette soie ne pouvait provenir que de Chine. Et la cocaïne ? Si l’énigme du tabac peut trouver un début de réponse avec l’hypothèse d’une plante disparue ou d’une importation par l’Orient, ces deux explications ne peuvent s’appliquer à la cocaïne. Il existe en Afrique des plantes proches de la coca, mais aucune d’elles ne contient de drogue. Pour les botanistes, la présence d’une plante voisine de la coca américaine en Afrique, sous l’Antiquité, est une hérésie. Alors, existait-il, à l’époque, des relations entre la Méditerranée et les Amériques ? On a découvert, sur les côtes du Brésil, des jarres provenant d’une galère romaine.
Coïncidences ?
Les sites amérindiens, notamment les tombeaux, ont révélé de bien surprenantes coïncidences. Ainsi, à La Venta et San Lorenzo, les deux principales cités olmèques, datés respectivement des IXème siècle et XIIème siècle avant J.C., se trouvent des têtes géantes dont les traits sont nettement négroïdes. Alors, les Africains connaissaient-ils l’Amérique à cette époque ? D’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, on avait coutume de placer des figurines dans les sarcophages. Les shaouabtis égyptiens étaient censés effectuer les corvées à la place du mort. En revanche, on ne connaît pas la fonction des figurines amérindiennes. Autre coïncidence : les Phéniciens, tout comme les Amérindiens, glissaient des pièces de monnaie ou des billes de jade, afin que le défunt puisse payer son passage vers le royaume des morts.
Les trois races représentées sur un vase à Campeche, en pays maya, un vase extrait d’un tombeau présente trois catégories de personnages. Les uns ont la peau cuivrée, d’autres la peau blanche, d’autres enfin la peau noire. Comment les Amérindiens ont-ils pu imaginer ces trois couleurs de peau sans avoir rencontré des hommes présentant ces caractéristiques ?
L’existence de relations transatlantiques sous l’Antiquité apporteraient la réponse à quantité d’énigmes, et souhaite que des recherches sérieuses soient menées dans ce sens. Elle accuse d’ailleurs nombre d’archéologues d’adopter une attitude fuyante devant le sujet. Elle va même plus loin, en affirmant qu’il existait aussi un trafic commercial à travers le Pacifique. La preuve en est apportée par la patate douce, originaire d’Amérique, retrouvée en Chine. Même chose pour les cacahuètes.
Martin Bernal, historien à l’université de Cornwell, considère, lui aussi, que l’hypothèse de traversées transatlantiques bien avant Colomb est tout à fait vraisemblable. Pour lui, le progrès n’est pas forcément linéaire, comme l’affirment nombre d’historiens.
Martin Bernal, historien à l’université de Cornwell, considère, lui aussi, que l’hypothèse de traversées transatlantiques bien avant Colomb est tout à fait vraisemblable. Pour lui, le progrès n’est pas forcément linéaire, comme l’affirment nombre d’historiens.