La relation que nous suggérons entre le feu et le vase nw est confirmée par l’image du Benou, le phénix de la tradition grecque, emblème du feu et de la renaissance, dont le nom s’écrit effectivement avec le vase nw comme l’atteste les graphies. L’image du Benou est d’une importance cruciale pour comprendre les manifestations d’Osiris (Wsir) à Héliopolis. L’aigle, l’une des manifestations du Benou à Kemet, se dit aquila avis en forme longue; le latin avis “oiseau” offre la racine indo-européenne *auei „oiseau d’eau“ lié à aqua d’où auca, oie“, aquila, aigle“. Nous faisons remarquer que l’oie et l’aigle sont des oiseaux liés au Benou, l’image de l’oie est utilisé dans la graphie qui sert à désigner le Benou.
Sankofa: « Le cœur posé sur un brasier ardent » Image de l’éternité. Il n’existe pas de cygne en Afrique, ce qui laisse croire que le Sankofa fait originellement référence à une oie ou canard, oiseaux de la même famille que le cygne (anatidés). Le cygne est l’emblème d’Aphrodite, c’est-à-dire Vénus. À Kemet, le Benou est associé à la planète Vénus.
L’oie est également l’un des oiseaux qui représente le Sankofa de la tradition akan. Le cœur posé sur un brasier qui renvoie au Sankofa est une illustration du cœur d’Osiris (Wsir) associé au Benou (deviendra le sacré-cœur de la tradition chrétienne). Plutarque faisait déjà observer que: les Égyptiens y désignent (dans les temples) par un œil et un sceptre Osiris, leur seigneur et leur roi (…) Le ciel, qui ne vieillit point, puisqu’il est éternel, est figuré par un coeur posé sur un brasier ardent“ (Traité d’Isis et Osiris, par. 10).
Le Phénix: L’oiseau Benou représente l’hydrogène né des eaux primordiales et la butte est une image du carbone. L’hydrogène et le carbone sont associés dans tous les composants organiques existants. Amon naît de l’œuf pondu par le Benou. L’hydrogène est le principal constituant du soleil, astre du jour. La butte primitive est appelé benben. C’est l’aspect volatile de l’hy-drogène qui lui donnera d’être représenté par un oiseau.
L’image du Benou est véritablement celle qui nous permet de sai-sir le sens que les anciens Africains ont donné au Nwn, et à travers lui, au vase nw. En effet, le vase nw doit être associé à l’élément hydrogène, d’où la relation avec le Nwn compris comme une mer primordiale. Le mot hydrogène se décompose comme suit: hydro– „eau“; gène engendrer“. Suivant cette étymologie, l’hydrogène est en soi un élément engendré par les eaux, tiré des eaux. La littérature donne à Lavoisier d’avoir „inventé“ le terme hydrogène, pourtant il est bien évident que nous avons affaire ici aux connaissances cosmogoniques de la vallée du Nil et particulièrement à la cosmogonie d’Iounou.
L’hydrogène est le principal constituant du soleil, astre du jour engendré par l’eau, c’est-à-dire tiré des eaux, comme le précise l’étymologie même du mot hydrogène. L’hydrogène est l’élément chimique le plus simple, le plus léger qui soit, l’élément le plus abondant dans l’univers. Sur Terre, la source de l’hydrogène c’est l’eau, ce qui permet de préciser la relation entre le Benou et l’eau que nous aborderons plus loin. L’hydrogène est le principal constituant de toute matière vivante, associé au carbone dans tous les composants organiques. Et c’est ici que nous retrouvons la butte primordiale du récit cosmogonique, butte qui se trouve effective dans l’image du carbone.
Le Benou (Bnw
La cosmogonie d’Iounou raconte: „ Chou et Tefnout eurent deux enfants Geb, la terre, et Nout, le ciel. Geb pondit un grand œuf où sortit l’oiseau Benou (phénix). Dès la première aube, l’oiseau Benou s’envola au-dessus des eaux, battant silencieusement l’air de ses grandes ailes, traînant ses longues pattes derrière lui. L’oiseau atteignit une pyramide de rochers, qui émergeait à peine de la surface des eaux. Ouvrant son bec, il poussa un grand cri. Le son se répercuta à travers l’océan infini, brisant le silence éternel. Alors que, pour la première fois, la lumière de l’aube pointait parmi les ténèbres, le monde fut soudain empli de la connaissance de ce qui devait et ne devait pas être „.
Le carbone (butte primitive) associé à l’hydrogène (benou) devient l’image de l’Éternité, d’où l’idée du phénix qui renaît de ses cendres (carbone). La cendre se dit bombi en kikongo, le mal bumbi et le bien bumbote; il s’agit du jeu de mots autour du radical bantou umba qui permet d’éclairer le sens du récit de la cosmogonie d’Iounou : Alors que, pour la première fois, la lumière de l’aube pointait parmi les ténèbres, le monde fut soudain empli de la connaissance de ce qui devait et ne devait pas être autrement dit du Bien (ce qui devait être- bumbote) et du Mal (ce qui ne devait pas être-bumbi). L’aspect aquatique de Geb auquel fait référence ce récit peut être vérifié avec l’image de Sobek, l’une des manifestations du dieu à Kôm Ombo. Sur Terre, rappelons-le, l’hydrogène est produit par l’eau. Claude Traunecker revient sur les liens entre Geb et Sobek: ” à Kôm Ombo, Geb et Sobek sont étroitement liés. Sobek, seigneur de l’élément aquatique, et Geb, seigneur du sol et de tout ce qu’il contient, sont tous deux des divinités chtoniennes dont procède la fertilité du pays. Un passage des Coffin Texts [1] fait de Sobek une forme divine sortie de l’intérieur des secret de Geb“. J. Yoyotte fait remarquer que la théologie ombite de Sobek se distingue nettement de celles du Fayoum et que leur assimilation est tardive. Dans cette théologie, Geb assume des fonctions liées à l’eau. Il est par exemple le créateur du Noun et, en conséquence, il peut prendre la forme d’un crocodile (hm)vénérable sorti du Noun, Geb, père des dieux, le crocodile (hm) sacré (ntry), le crocodile des crocodiles (hm hmw). À ce titre, Geb peut prendre un aspect menaçant“ (Coptos, p.352).
Osiris (Wsir), appelé Fils de Geb dans les textes liturgiques de la vallée du Nil, est également associé à l’eau. L‘une des formes tardives du dieu l’atteste: il s’agit d’Hydreios: „il convient encore de classer dans le panthéon égyptien une des formes hellénisée du dieu Osiris, le dieu Hydreios, note M. Malaise. Ce nom est rapproché du mot hydreion qui désigne une petite urne destinée à contenir l’eau sacrée nécessaire aux libations. C’est ce terme qu’utilise Plutarque (De Iside, 36) et Clément d’Alexandrie (Strom., 4, 37, I) pour nommer le récipient porté par le prophète dans les processions isiaques. On en trouvera une illustration dans le bas-relief du Vatican, où l’avant-dernier personnage de la procession tient contre sa poitrine, comme dans le texte d’Alexandrie, un vase qui coïncide exactement avec la description qu’en donne Apulée (Metam. XI, II, 3-4) qui le considère comme l’image vénérable de la divinité suprême, laquelle dans le contexte ne peut être qu’Osiris. Hydreios est donc la personnification de ce vase destiné à recevoir l’eau sacré, provenant en principe du Nil, et émanation d’Osiris (…)(Les conditions de pénétration et de diffusion des cultes égyptiens en Italie, p. 307).
La relation que nous établissons entre le Benou (hydrogène) et la Butte (carbone) est confirmée par les recherches scientifiques. L’hydrogène est considéré comme l’une des principales sources d’énergie. Un kilogramme d’hydrogène contient à peu près trois fois plus d’énergie qu’un kilogramme de pétrole, sa combustion ne génère que de la vapeur d’eau; productible à partir de l’eau, l’hydrogène est disponible en quantités illimitées. L’hydrogène et le carbone sont la condition de la lumière: „ quatre effets principaux concourent à la production de la lumière: 1) la combustion instantanée de l’hydrogène carboné. 2) La combustion de l’hydrogène privé de la plus grande partie de son carbone sous l’influence d’une température élevée. 3) La combustion du carbone éliminé de sa combinaison à l’hydrogène. 4) L’échauffement du charbon libre depuis la température rouge jusqu’à celle du rouge-blanc“ (Nouveau bulletin des sciences, p. 164). C’est la prééminence de l’hydrogène comme élément chimique le plus abondant de l’Univers qui soutient le principe du Nww (Noun), les eaux primordiales, car l’hydrogène naît de l’eau.
Benben
Nous faisons provenir le mot Phénix du grec bounόs, lui-même issu du négro-égyptien bnw(Benou). En effet, bnw > bounόs > phoenix (b>ph); bounόs signifie „montagne“, „éminence de terre“, „borne“. Comme nous le verrons bientôt, le benben construit sur le même verbe wbn „briller“, „étinceler“, „naître“, représente cette „éminence de terre“„borne“ à laquelle renvoie le bnw. Le mot „butte“ qui s’applique à désigner l’en-droit où vint se poser le Benou est une variante phonétique du mot „but“ ou„bout“: „fin“, „terme“, „borne“ qui se dit horos en grec (oros = borne); horos „sommet“ „montagne“. Nous lions cette étymologie prétendument grecque à l’image d’Hathor (Hw.t Hr) Horus (Hr), d’où la relation étroite qu’entretient le Benou avec la planète Vénus (Vénus = Aphrodite = Hw.t Hr).
L’autre mot qui sert à désigner la butte primordiale est „tertre“ du latin termitem établi d’après limes, limitis „limite“, „borne“, monticule“. Le latin limen a le sens de seuil et offre le radical lei qui signifie „liquéfier“, „dissoudre“, „rendre liquide“, „fondre“, œuvre du natron employé dans le rituel d’embaumement qui marque effectivement le seuil, la frontière, la limite (marca en latin) du parcours initiatique.
Au sujet du tertre, Claude Traunecker précise: „ Dans le contexte du texte numéro 25, nous sommes tentés de voir dans bnw un nom de la terre primordiale émergeant des eaux, plénitude surgissant du chaos, rondeur s’étendant en repoussant l’inorganisé, boule de matière, œuf du début, la matière primordiale gonflée de vie s’élargissant en repoussant le chaos. Notre traduction tertre ne rend qu’en partie toutes les notions contenues dans ce terme difficile à traduire“ (Coptos, p.152). „Pour Baines, comme le note Traunecker, le sens fondamental de bn est sortir, s’étendre, gonfler, se répandre. Cet auteur y voit volontiers un sens sexuel primaire“ (idem, p.152). La relation que souligne Baines rapporté par Traunecker est tout à fait pertinente dans la mesure où nous faisons correspondre le négro-égyptien bn que l’on retrouve dans benben à l’ewondo èbόn „vagin“ „vulve“, „fond“ et au wolof ben-ben „le trou“ (Diop:1967). Le benben est un bétyle dont la forme pyramidale renvoie au mont de Vénus, le pubis qui représente l’appareil génital féminin. Cette relation nous fait néanmoins voir que la forme la plus répandue de cette racine est umba/umbo qui conduit par exemple au basaâ mbée „vagin“, au bambara mbye „vagin“, nous soulignons au passage que le kikongo funi „vagin“ correspond à l’ewondo èbόn (f>b)et au négro-égyptien bn, forme initiale à l’origine de tous ces mots. D’une part, le verbe wbn „naître“ permet de souligner cette compréhension, et d’autre part le bantou citòmbò „vagin“ (tshiluba) est en relation directe avec le latin umbo que l’on retrouve dans omphalos (b>ph), le bétyle vénéré par la tradition grecque, pierre noire, objet que l’on vérifie aujourd’hui à travers les dévotions musulmanes. Le latin tumba qui forme le français tombe ou tombeau à partir du grec tùmbos signifiant tumulus correspond à l‘image du vagin, du trou, de la tradition des peuples noirs.
Ceci explique possiblement l’objet de vénération des tombeaux d’Osiris et plus tard ceux des prophètes des religions abrahamiques. Tumàlon [2] est l’image du héros national dans la tradition basaâ, il s’agit d’une allusion au phénix, la limite, le sommet, la borne, l’Horus(Hr), le plus haut dans le ciel.
Par Amenhemhat Dibombari
[1] Textes des sarcophages.
[2] Origine probable du mot tumulus formé sur la racine tumeo « enfler » apparenté au grec tùmbos « tombe ».