La fleur est un symbole omniprésent aussi bien dans l’iconographie sacrée de kemet que celle de la culture dravidienne. En inde, en effet, la fleur est le symbole éminent qui accompagne Krishna, la divinité la plus importante du panthéon dravidien.
Comme tous les peuples noirs de l’antiquité, les dravidiens, ces noirs de la vallée du l’Indus, connaissaient une tradition théogonique sortie d’Afrique, et Krishna incarnait leur divinité principale avant le contact avec les peuplades aryennes venues du nord. Dans l’Inde contemporaine, Krishna est encore la divinité la plus vénérée, celle à qui l’on voue le culte le plus assidue et de loin le plus important. Le trait qui singularise Krishna dans la théogonie hindoue est sa couleur noire. Le nom Krishna signifie noir.
Avec le bleu, couleur rattachée aux corps célestes, le noir est la couleur avec laquelle cette divinité se montre dans les temples qui lui sont consacrés. On trouve deux origines à la toute première mention du nom de Krishna dans les textes religieux de l’Inde, l’une d’elle se retrouve dans le Rig-Veda, l’un des livres saints de l’Hindouisme, l’autre dans un hymne védique à caractère guerrier où Krishna est représenté comme un Asura, c’est à dire un démon, par les auteurs Aryens. Cette hymne guerrier présente plusieurs intérêts puisqu’il raconte la fameuse défaite des 50.000 krishna (Noirs) vaincus par le dieu Indra, la divinité Aryenne par excellence. Il s’agit d’un récit de propagande aryen qui avait vocation à rappeler la défaite des populations noires (Dravidiens) devant les armées aryennes et d’instituer la suprématie des divinités aryennes sur celles des vaincus.
Les textes religieux composés par les vainqueurs offrent généralement la même lecture. Cette manière de voir les choses est également présente dans les chapitres de la Bible et du Coran où il est question de la faiblesse des déités kémites devant les dieux indo-aryens. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire les passages égyptiens de ces livres. En Inde, la guerre qui opposait les Dravidiens aux Aryens avait pour objectif le contrôle de la plaine du Gange. La paix, dira t-on, fut scellée par un accord: l’adoption par les Dravidiens des divinités aryennes en échange de l’intégration de Krishna dans le panthéon aryen.
Dans la tradition hindoue, Krishna est le huitième avatar de Vishnou, autrement dit l’incarnation du Dieu sur terre. Les parallèles sont nombreux qui existent entre Krishna et Hor (Horus). Une forte communauté hindoue était installée dans la ville d’Alexandrie, précisément au moment de la naissance du Christianisme, ce qui explique aussi les ressemblances observées entre le personnage de Jésus, le dieu Krishna et Hor (Horus). Hippolyte de Rome (170-235), théologien Grec né à Alexandrie, rappelle un chant des Naassènes dans son rapport sur les prières où l’on invoque Attis, l’une des figurations grecques d’Osiris, en l’associant directement à Krishna. Que tu sois le rejeton de Kronos ou le fils béni de Zeus ou de la grande Rhéa/Salut, Attis, triste messager de Rhéa/Les Assyriens t’appellent Adonis le trois fois désiré/Toute l’Égypte t’appelle Osiris/La sagesse grecque t’appelle la corne de la lune/Les Samothraces le vénérable Adamna/Les Hémoniens Coribanthe/Les Phrygiens tantôt Papas, tantôt Toth ou Dieu/Ou Sans-Peur, pâtre/Ou homme né de l’amande aux nombreux fruits/Joueur de flûte.
Krishna est le joueur de flûte.
Eusèbe, théologien arianiste et apologète chrétien du 3e siècle raconte l’arrivée d’Éthiopiens[1] venus d’Inde pour s’installer dans la vallée du Nil pendant le règne du Fari Amenhotep III (1417-1379 av. J.-C.) : « Durant le règne d’Amenhotep III, un corps d’Éthiopiens, émigra d’un pays des abords de l’Indus pour s’installer dans la vallée du Nil », dit-il (Cité par Georges Rawlinson, Ancient Monarchies, vol. 1, p.49.). En réalité, ces populations qu’Eusèbe qualifie d’éthiopiennes désignent ces Noirs de la vallée de l’Indus harcelés par les tribus nomades et guerrières aryennes qui convoitaient leurs territoires. La géographie arménienne donne le nom d’Éthiopie à toute la région allant du Tigre à l’Indus. Saint-Jérôme, docteur de l’Église au 4ème siècle, appelle la Colchide la seconde Éthiopie. La Colchide est ce territoire du versant occidental des montagnes du Caucase que visita Hérodote et dont il put dire, sur la base de ce qu’il vit, que les Colchidiens (ou les Colches) étaient de race égyptienne d’abord parce qu’ils avaient la peau noire et les cheveux crépus. Ce qui indique une présence africaine attestée au-delà de l’actuelle Mésopotamie. Sophrone de Jérusalem décrit une présence éthiopienne dans cette même région.
A ce sujet, Martin Bernal rappelle qu’« Hérodote n’était pas le seul écrivain ancien à y faire référence (au phénotype des Colches ou Colchidiens). Son contemporain plus âgé Pindare renvoie à l’expédition de Jason attaquant les Colchidiens à la peau noire. D’autres écrivains plus récents renvoient aussi à la couleur sombre des Colchidiens, mais ils ont pu être influencés par Hérodote. (…) Le témoignage le plus excitant de tous est l’existence, au 20e siècle après J.-C, d’une population noire africaine autour de Soukoumi en Abkhazie, au nord de l’ancienne Colchide. Il est clair que certains de ces Noirs sont venus comme esclaves d’Afrique quand l’Abkhazie faisait partie de l’empire turc, entre le 16e et le 18e siècle après J.-C. Cependant, la communauté qui semble survivre encore malgré les essais soviétiques de la dissiper par des mariages et la dispersion, a de profondes racines dans la région, et la plupart de ses membres ne parlent d’autre langue que l’abkhaze ». (Martin Bernal, Black Athena, Tome 2, p.356). Le règne d’Amenhotep III se situe précisément à l’heure de l’intensification de la conquête aryenne dans cette partie du monde. De cette « migration » d’Éthiopiens de la Vallée de l’Indus vers la Vallée du Nil, il faut y voir aussi le signe d’une solidarité qui existait entre les Noirs de l’Indus et ceux de la vallée du Nil, leurs frères.
Au sujet de Krishna, T.W. Doane établit des concordances avec les traditions aujourd’hui dominantes : « Maya, la mère de Buddha, et Devaki la mère de Krishna, étaient vénérées en tant que vierges; elles furent représentées avec l’enfant sauveur dans les bras, exactement comme est représentée de nos jours la vierge des chrétiens. Maya était tellement pure, qu’il était impossible à Dieu, l’homme ou Asura (le démon) de la regarder avec un désir charnel (…) Krishna et sa mère sont presque toujours représentés noirs. Le terme même Krishna signifie noir » (Cité par R. Rashidi. Histoire millénaire des Africains en Asie, p. 53.). Dans l’iconographie sacrée hindoue, Devaki va être blanchie par les artistes au service de la domination et du préjugé aryens. Les premières représentations de Devaki, Krishna et Vasudeva offrent toutefois des conclusions qui concordent avec l’histoire générale de cette région du monde. Ces représentations les montrent avec des traits « africains ».
Devaki, Vasudeva et Krishna (l’enfant), le caractère “africain” de ces divinités est affirmé sur cette ancienne représentation, conforme au phénotype dravidien.
Dans le Dévisement du monde (1298), le marchand vénitien Marco Polo, connu pour ses pérégrinations en Asie et les nombreuses descriptions qu’il fit de cette partie du monde, écrivait la chose suivante au sujet des Dravidiens : « En effet, lorsque les enfants naissent, on les oint une fois par semaine avec de l’huile de sésame, et on les fait ainsi devenir notablement noirs. Car je vous dis que celui qui est le plus noir, on le tient pour plus précieux et plus beau que les autres qui ne sont pas aussi noirs. Et encore vous dis-je une autre chose : car je vous dis que ces gens font portraiturer et peindre tous leurs dieux et leurs idoles en noir, et leurs diables en blanc neige, car ils disent que Dieu et tous les saints sont noirs et que les diables sont tous blancs. Voilà pourquoi ils les font portraiturer et peindre ainsi que vous les avez ouï. Car je vous le dis, ils font les images de leurs idoles toutes noires ». (Marco Polo, Le Dévisement du monde, p.446.).
En outre, nous retrouvons une présence prépotente de la tradition des Déesses-mères, chère aux populations noires de la vallée du Nil, d’Asie et de Mésopotamie, dans les usages religieux des Dravidiens. Ce qui oblige James Hornell à reconnaître que : « la domination du sexe féminin parmi les divinités du village des Dravidiens qui représentent l’élément racial principal en Inde au moment de l’afflux des Aryens, est caractéristique et est contraire au cas connu du Brahmanisme ancien ou, à un degré moindre, de l’Hindouisme moderne. Dans ce dernier cas, les divinités suprêmes qui se partagent la pieuse adhésion de la grande majorité des hindous orthodoxes sont toutes deux de sexe masculin – Shiva et Vishnou. Il est vrai que leurs différentes énergies ou principes actifs, leurs saktis, sont déifiés au travers de leurs femmes, mais cette exception apparente peut s’expliquer par l’influence corruptrice exercée sur la foi brahmanique orthodoxe par un contact étroit et prolongé avec la culture aborigène du pays, culture considérant les déesses-mères comme les plus importantes divinités de son panthéon ». (The Ancient Village Gods of South India, vol. 18, N°69, March 1944.). Plus loin, l’auteur établit une corrélation édifiante entre le culte des Déesses-mères dravidiennes et leur pendant africain. Il note : « Même de nos jours, dans presque tous les villages de l’Inde méridionale, une forme de déesse-mère est adorée sous les attributs de la divinité du village. Elle est particulièrement invoquée pour écarter les mauvais esprits, les maladies contagieuses et les épidémies. Les rituels associés à ce culte ne portent aucune trace d’influence venant des coutumes aryennes ou du culte brahmanique. Le terme [amma] qui se rapporte à cette déesse de village ainsi qu’à des maladies telles que la variole et autres causées ou guéries par elle, trouvera son parallèle dans le même terme amma utilisé par les Dogons du Soudan français (Mali). À l’instar de l’Inde dravidienne, des autels sont dressés dans ces régions de l’Afrique pour sacrifier et rendre le culte communautaire à la divinité amm’ ».
Cette locution, « Amm’ » devient « Umm » chez les Arabes, terme qui sert à désigner la mère d’une manière générique dans cette langue, et qui, dans cette même langue, désigne la ville où se trouve le célèbre temple d’Amon de l’Oasis de Siwa (Umm Ubeida/Om Beida). Depuis Kemet, la tradition ancestrale africaine donne une parèdre au dieu « Amon », son nom : « Amon.t »; le « t », muet, étant une terminaison (désinence) pour indiquer la forme féminine. Les caractères androgyne et aquatique d’ « Amon » sont bien attestés, ce qui permet aussi de percevoir le Dieu Grand comme une « divinité féminine ». À titre indicatif, lorsqu’il évoque leur origine, les Bassa du Cameroun emploient le terme « Umm Usuda », rapporté à la divinité Um (« Amon »), et qui désigne aussi un site du Soudan actuel situé sur les bords du Nil. « Usuda » serait le nom duquel les Arabes ont tiré « Sudan », synonyme de « Noir » (Blad-es-Sudan, Le Pays des Noirs).
Aseta, la femme noire (Set Kem), reconnue en tant que Vierge, allaite l’enfant Hor. La symbolique du lait maternel est omniprésente dans la liturgie kémite.
À propos de la fleur, symbole que l’on retrouve aussi bien dans l’iconographie kémite que dravidienne, et qui se rapporte à la naissance et la sainteté, voici ce que notait déjà Amadou Hampaté Ba au sujet du nénuphar : « Dans le Mandé, la fleur de nénuphar symbolise la vierge qui attend d’être fécondée. À ce titre, elle est comparée à une coupe cosmique prête à être remplie. Les premières pluies de l’année sont considérées comme une semence céleste qui vient remplir cette coupe. Pour les Peuls et certaines sectes des religions mandingues, la fleur symbolise l’amour; elle a une analogie étroite avec la conception. Les Peuls et les Dogons considèrent les fleurs de nénuphar comme symbole du lait maternel (…) Le nénuphar symbolise également la naissance pure et la moralité exempte de tache. La légende peuple fait invoquer aux salatiguis le nénuphar des ancêtres dont les semences ont été apportées d’Égypte par des diasporas anciennes. Les femmes de Heli et Yooyo portaient au cou une guirlande de fleurs de nénuphar et ornaient les tresses de leurs cheveux avec cette fleur » (cité par A. M. Lam in Les Chemins du Nil, p. 57). A. Moussa Lam, qui commente les remarques d’Hampaté Ba, note : «Les implications cosmiques de la fleur de nénuphar sont parfaitement illustrées en Égypte par une version de la cosmogonie d’Hermopolis et un bronze de Basse Égypte montrant le jeune enfant-soleil émergeant d’un lotus » (A. M. Lam, Les Chemins du Nil, pp. 57-58).
Le lotus et le nénuphar sont des plantes aquatiques.
Krishna sur une fleur de nénuphar.
La correspondance entre la tradition d’Hor (Horus) et la liturgie dravidienne entourant le dieu Krishna est parfaite, qu’il s’agisse du statut de la Vierge qui enfante, de la puissance du lait maternel, autant que de l’enfant-né qui apporte le salut, toutes ces manifestations “miraculeuses” se retrouvent aujourd’hui dans les traditions encore vivaces du Monde noir.
Nous terminerons cet article (nécessairement incomplet) en évoquant la fleur de vie et les Tables d’Émeraudes de Djehouty (Thot). Le texte note : Profondément au cœur de la terre se trouve la fleur source de l’Esprit qui lie tout dans sa forme. Car sache que la terre vit dans son corps comme tu vis dans ta propre forme. La fleur de la Vie est comme ton esprit et jaillit à travers la terre comme le tien à travers ta forme. C’est sur ces paroles hermétiques que nous laissons votre réflexion.
1] Ce terme est originellement grec et signifie visage brûlé. Eusèbe l’emploie pour désigner les Noirs en général.
Par Amenhemhat Dibombari
TRAITÉ SUR MAÂT
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LES HIÉROGLYPHES ÉGYPTIENS
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