Alain Mabanckou contribue largement à la promotion et au rayonnement de la littérature francophone par son activité d’enseignant aux Etats-Unis, de romancier, de poète, d’essayiste, de conseiller littéraire même pour la fiction aux éditions Présence Africaine à Paris. Récemment récompensé par l’académie française avec le grand prix de la littérature Henri Gal, prix de l’institut de France, pour l’ensemble de son œuvre, Alain Mabanckou semble être plus que jamais sous les feux de la rampe. D’autant plus que son dernier essai Le sanglot de l’homme noir a été le sujet de nombreuses polémiques.
Mais entrons dans le vif du sujet! Sous un titre emprunté au philosophe Pascal Bruckner[1]et malicieusement détourné, ce nouvel essai met en exergue la tendance qui pousse certains Africains à expliquer les malheurs du continent noir via le prisme de la rencontre avec l’Europe et à pleurer sur leur sort. Dès le début, la lettre adressée à son fils annonce le ton : Mon cher petit, la pire des intolérances est celle qui vient des êtres qui te ressemblent, ceux qui ont la même couleur de peau que toi. Le fanatisme trouve son terrain d’expérience d’abord entre les hommes d’une même origine, avant de s’étendre peu à peu sur d’autres « races » avec une virulence alimentée par l’esprit de vengeance (p.16).Ce passage fait sans doute penser d’emblée à la lettre de James Baldwin à son neveu dans son célèbre essai La prochaine fois, le feu. La conclusion de cette lettre se résume en cette phrase : « Je t’ai adressé cette missive comme une sonnette d’alarme afin que tu ne tombes pas dans ce piège. Tu es né ici, ton destin est ici, et tu ne devras pas le perdre de vue. Demande-toi ce que tu apportes à cette patrie sans pour autant attendre d’elle une quelconque récompense. »(p. 20)
En effet, loin de l’Europe et de l’Afrique, Alain Mabanckou se propose de créer une sorte d’existentialisme qui exige de poser les questions dans le présent, d’essayer de les résoudre et de refuser une certaine malédiction « dermique » ou « épidermique », pour reprendre les propos de l’auteur. Ce qui importe, c’est de faire en sorte que le présent de son fils soit vivable. Qu’il ne soit pas l’otage d’une histoire qu’il n’a jamais connue, qu’il n’a jamais vécue, mais qu’il regarde dans son présent ce qui pourrait faire son avenir un peu plus intéressant. Bref, faire de sa volonté quelque chose qui aille vers l’action. De façon éloquente et efficace, Mabanckou réactualise une nouvelle version de la Négritude visant sans doute à « conscientiser » les Noirs, à leur suggérer de refuser de se cacher derrières les effets d’un passé lointain et de se construire une nouvelle vie.
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