Les africains aliénés s’imaginent que le message de la Genèse, concerne le destin des populations du continent noir. Ce qui provoque le défaitisme et la résignation. Mais, il nous revient d’inviter l’Afrique à se réveiller de son sommeil. Il nous appartient de la guider sur des pistes qui promettent et de la détourner d’une interprétation erronée de son destin alimentée par une compréhension tendancieuse du texte suivant :
«Les fils de Noé, qui sortirent de l’arche, étaient Sem, Cham et Japhet. Cham fut le père de Canaan.
Ce sont là les trois fils de Noé, et c’est leur postérité qui peupla toute la terre.
Noé commença à cultiver la terre, et planta de la vigne.
Il but du vin, s’enivra, et se découvrit au milieu de sa tente.
Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le rapporta dehors à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père.
Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet.
Et il dit : Maudit soit Canaan ! qu’il soit l’esclave des esclaves de ses frères !
Il dit encore : Béni soit l’Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan soit leur esclave !
Que Dieu étende les possessions de Japhet, qu’il habite dans les tentes de Sem, et que Canaan soit leur esclave ! » (Gn 9, 18-26).
D’après ce texte, Cham n’est pas maudit, mais son fils Canaan et la descendance de celui-ci. Plus loin, le texte nous présente les 4 fils de Cham : Kush, Miçrayim, Put et Canaan (Gn 10,6). Kush évoque l’Ethiopie, Miçrayim c’est le nom de l’Egypte, tandis que Put est parfois mis en rapport avec la Lybie. Par contre, Canaan, le fils maudit, correspond à la région côtière entre la Palestine et la Phénicie. En aucun cas, Canaan ne peut être rattaché aux populations noires d’Afrique.
Selon la Bible, les descendants de Cham peuplèrent les régions du Sud (Egypte, Ethiopie, Arabie) auquel on relie Canaan en souvenir de la domination égyptienne sur cette région[1]. Certains textes bibliques considèrent l’Egypte comme “le pays de Cham” (Ps 105, 23.27). N’est-il pas vrai que les Égyptiens appelaient leur pays “KMT”. Ce qui veut dire “noir”, soit à cause du limon noir du Nil, soit, pense l’historiographie non raciste, à cause de la population qui était noire ? Toujours est-il que selon le récit biblique, seul Canaan a été maudit par Noé, et ce fils n’a aucun rapport avec les Noirs. En témoigne la généalogie de Canaan donnée en Genèse 10,15-19. On y mentionne Sidon, les Jébuséens, les Amorites, les Girgashites, les Hivvites, etc. De toutes les façons, ces tables généalogiques n’ont pas une valeur scientifique sur laquelle fonder le peuplement de la terre.
D’autre part, la Bible ne développe pas une image des Noirs qui ne serait que négative. Loin s’en faut. Moïse lui-même épousa une femme kushite (éthiopienne). Son frère Aaron et sa sœur Myriam n’apprécièrent pas cet acte, Dieu les désapprouva en frappant Myriam de la lèpre (Nb 12,1-10).
Jérémie 13, 23 permet de savoir que les Kushites sont noirs : « Un Kushite peut-il changer sa peau et un léopard ses taches » ? Or le peuple kushite apparaît, à travers l’Ancien Testament, comme un peuple puissant (2 Ch 12,2-4 ; 2 R 19,9 ; Na 3,8-10). Le prophète Jérémie fut sauvé par Ebed-Melek, un Kushite au service du roi Sédécias de Juda, alors que des comploteurs malveillants l’avaient jeté dans une citerne (Jr 38,7-13). Ce qui valut à Ebed-Melek un oracle de salut significatif (Jr 39,15-18).
Le prophète Sophonie éclate: « De l’autre rive des fleuves d’Ethiopie, mes suppliants m’apporteront mon offrande » (So 3,10). Et le Cantique des Cantiques : « Je suis noire et belle, filles de Jérusalem. Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée ». (Cantique 1, 5)[1]. C’est tout le contraire de «Je suis noire et pourtant belle» (Melaina eimi kai kale). Cette formule exprime, en grec, le sens réel de «Je suis noire et belle»; dans la version latine authentique, on écrit: nigrasum et formosa; en copte: ink kmt: il y a là le «je suis» et le kmt qui, en égyptien, signifie noir, beau et parfait. Aucune interprétation fataliste ou négative de la couleur de la peau, ni de la condition sociale. Sans oublier le livre des Actes (Ac. 8, 26-40) qui rapporte le baptême de l’eunuque de la reine Candace qui était originaire du pays de Kusch.
Une image positive se dégage également de ce que la Bible permet d’évoquer si l’on veut réhabiliter l’Egypte[2]:
Terre d’accueil d’Abraham: «Abraham descendit en Égypte pour y séjourner…» (Gn 12, 10).
Terre nourricière des fils affamés de Jahvé
Terre d’exil des fils de Jahvé persécutés
Mère nourricière de Moise
Source de la Sagesse de Moise: selon le diacre Étienne (Ac 7, 22), «Moïse fut initié à toute la sagesse des Égyptiens et il était puissant en ses paroles et en ses actions».
Terre d’une Sagesse dépassant celle de Salomon et n’ayant d’égal que la Sagesse de Jahvé
Cippora future femme de Moise parle de «l’Égyptien» à propos de Moise, donc du «Moise l’Égyptien» (Ex 2, 15-22).
La femme de Moise l’Égyptien est de la même race que la race égyptienne. Elle est Kushite.
Salomon se marie à la fille du Pharaon (1 R 3, 1).
Salomon avec la reine de Saba aurait même eu un enfant avec elle.
Des Princes qui sous Salomon et David vont se réfugier en Égypte.
Jésus et sa famille vont en exil en Égypte (Mt 2, 13-20). Faisant l’exégèse de Mt 2,13ss, épisode qui relate la fuite de Jésus enfants en Égypte, Davies et Allison justifient ce choix de la façon suivante: «Egypt was the traditional refuge for Palestinian Jews seekin asylum. See, for example, 1 Kgs 11,140 (Jeroboam); 2 Kgs 25,26 and Jer 41,16-18 (Gedaliah’s friends who departed from Geruth Chimham ‘near Bethlehem’); Jer 43,1-7 (Jeremiah); Josephus, Ant. 12,387 (Onias IV); 14,21 (‘principal men among tje Jews’); 15,46 (a frustrated attempt by Alexandria); Josephus, bell. 7,409-10 (Sicarii); and b. Sanh. 107b (joshua b. Perahyah) (cf. also Zech 10,10; Rev 12,4-6)…»[3].
Jésus n’a formulé aucune remarque négative sur son séjour en Égypte. On dirait en outre que le Nouveau Testament remet en place l’image de l’Égypte comme lieu de survie.
[1] Cf. Lire une note de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB).
[2] Cf. C. Cannuyer, Les Coptes, Turnhout, 1990, p. 7-15. La présente étude n’est pas, à vrai dire, une œuvre d’exégèse. C’est un simple effort de réhabilitation de l’image positive de l’Égypte dans la Bible dont une herméneutique dévalorisante projetée sur les textes situe ce pays dans l’axe du mal, de l’idolâtrie et de l’oppression. Même si cette étude se dit ne pas être un travail d’exégèse, elle rejoint pourtant des études exégétiques d’un «grand maître», Paul Beauchamp. Parmi de nombreux écrits sur ce thème, il nous livre sa réflexion biblique sur la sortie d’Égypte[2]. S’appuyant sur le texte même de l’Exode, il y montre Moïse comme l’homme de deux peuples, l’Égypte et Israël; il est «le premier qui, des deux peuples, en a fait un… Le récit est marqué de manière indélébile par le fait que le premier de tous les sauvés de l’Exode a été sauvé par une Égyptienne. Médiateur entre un peuple et l’autre peuple. Médiateur entre Dieu et ces deux peuples. Intercéder non seulement pour Israël mais pour l’Égypte entre dans ses fonctions». Et c’est en ce sens-là que Moïse devient figure du Christ, qui, dans la Passion, a tué la haine, faisant des Juifs et des païens un seul peuple, en les arrachant au mal qui est en chacun d’eux, lorsque dans sa mort, ils se sont rencontrés dans la même volonté homicide.
[3] Davies, W.D. et Allison, D.C., A critical and exegetical commentary on the Gospel according to Saint Matthew, vol. 1: Introduction and Commentary on Matthew I-VII, Edinburgh, 1988, pp. 259-260.
Par Sylvain Kalamba Nsapo
LES AFRICAINS DE LA BIBLE: AU-DELÀ DU MYTHE DE LA MALÉDICTION DE CHAM (Biblical Studies Productions t. 2)
Features
Is Adult Product | |
Release Date | 2020-03-16T02:06:31.105-00:00 |
Language | Français |
Publication Date | 2020-03-16T02:06:31.105-00:00 |
Format | Ebook Kindle |