Aboubacry Moussa Lam revient sur la signification probable de W3st, « Thebaï », « Thèbes », terme formé à partir du signe hiéroglyphique du sceptre w3s, objet auquel sont associés les Neterus. Il note : « Un lien existerait entre le sceptre w3s et la notion de prospérité. En effet D. Meeks, citant Dendéra VIII, 30, 9, signale une graphie w3si dont le sens serait prospérer. Ce sens, s’il est confirmé, viendrait s’opposer à celui plus connu de w3si, se ruiner, tomber en décadence. De tels faits nous laisseraient dans l’embarras si des parallèles pris chez les Peuls ne venaient à notre secours. (…) Quant à la racine waas-, elle peut signifier prospérité ou ruine grâce à l’opposition pertinente entre aa et ii. Waasaa se traduit parbien pourvu, prospère, et waassii par dépourvu, ruiné. (…) le w3s symbolise plus que la richesse entre les mains des dieux et des pharaons Égyptiens : il évoque aussi la puissance et la gloire divines. Là aussi nous avons confirmation par les langues négro-africaines. En effet, aussi bien dans le groupe mandé qu’en pulaar, wasu signifie l’autoglorification. Le pulaar nous donne encore ici une occasion de relever l’extrême finesse des convergences existant entre l’Égypte et le reste de l’Afrique. C’est cette langue qui nous permet de comprendre pourquoi le bétail, la richesse, la gloire, sont inextricablement liés. Wasorde c’est, en pulaar, une place découverte, située généralement derrière le village, et qui sert de lieu de rassemblement des troupeaux.
« Le sceptre w3s est le bâton qu’on voit le plus souvent entre les mains des dieux et des pharaons. Certains égyptologues ont pris le w3s qui pour un bâton de conduite des chameaux, qui pour un vulgaire instrument de cueillette de dattes. Et l’auteur de cette dernière hypothèse de s’étonner que les dieux égyptiens aient pu se choisir comme insigne un outil de cueilleur de dattes. Les dieux égyptiens n’étaient pas connus pour leur goût pour les dattes, la chose a effectivement de quoi étonner » (A. Moussa Lam, Les Chemins du Nil, pp. 127-128).
(…) Wasaade, dans la même langue, a deux sens. Le verbe désigne les bêtes à l’état de repos dans la place décrite plus haut. Wasaade se dit aussi d’une bête mieux nourri que sa voisine et donc plus grasse. Lewasorde est le lieu où la comparaison entre les bêtes et les troupeaux peut être facilement faite. C’est pourquoi, pour désigner le meilleur berger de l’année, tous les troupeaux sont rassemblés auwasorde ou son équivalent. Cela donne lieu à un concours très sélectif, le basondiral (de la même racine que wasu) qui n’est rien d’autre qu’une évaluation comparative de l’embonpoint des bêtes par un jury de connaisseurs constitués essentiellement d’anciens bergers. Wasu (substantif) autoglorification etwaastade (verbe) s’autoglorifier, sont donc deux concepts empruntés au pastoralisme. (…)Ainsi ce sont tous ces éléments, en apparence, loin les uns des autres mais en réalité logiquement liés, que les Égyptiens ont condensés dans le sceptre w3s. On comprend mieux maintenant pourquoi il est si fréquent, au niveau de l’iconographie égyptienne, dans les mains des dieux et des pharaons. On comprend aussi pourquoi W3st dont la graphie comporte le sceptre w3s pourrait tout aussi bien signifier la prospère, la glorieuse, ou les deux à la fois. C’est peut-être ici le lieu de signaler que les parallèles de la grande capitale recensés dans le Fuuta-Tooro semblent donner la faveur à la prospérité : Waasetaake, le nom de l’un des villages identifiés, signifie littéralement endroit où on ne peut être pauvre » (A. Moussa Lam, Les Chemins du Nil, pp. 128-130).
Cette citation longue et riche de l’auteur Sénégalais nous donne le sens originel de la notion de « capital ». En effet, pour saisir l’origine encore incertaine du terme W3st; on peut se rapporter au grec Thebaï. Ce mot, « Thebaï », n’ayant pas d’étymologie dans la langue grecque, on peut envisager qu’il fut aussi un emprunt fait à la langue pharaonique pour désigner la ville aux Cents Portes. Martin Bernal fait provenir cette locution, thebaï, du kémitique db3t ou dbt signifiant, « boîte », « pot », « coffre »[1]. Or, le mot grec pour dire « coffre », « récipient », est kubas, construit à partir de la racine indo-européenne kaput, qui désigne indistinctement « la tête », « le pot », « le récipient ». Ce radical forme le « haupt » allemand, le « head » anglais, et conduit au latin caput, capitalis, c’est-à-dire « quelque chose qui est relatif à la tête ».
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