S’il faut à présent revenir sur l’origine du mot Olympe, nous relirons les conclusions d’E. Pococke et al. : « la haute montagne dans cette partie de la Grèce, ils (les Pelasges) lui donneront l’aspect de la Grandemontagne ou Lŭmbo, appelée E’lymbo par les Grecs modernes et O’ lūmpo-s par leurs ancêtres. ». Ainsi, le mot Olympe paraît comme une forme « moderne » de Lŭmbo, E’lymbo, O’ lūmpo-s. Le latin umbo, qui sert à construire ce mot, traduit l’idée de cône, de saillie, de monticule ou de colline. On le retrouve par exemple dans ombilic ou omphalos déjà mentionné, le b se réalisant en ph, avec le sens de centre spirituel attachée aux édifices (Ka’ba) ou aux montagnes (Méru, Olympe, etc.).
L’Olympe est la demeure des douze divinités majeures de la mythologie grecque, celles autour desquelles s’organisent tous les récits. La liste de ces divinités peut variée suivant les auteurs; toutefois, nous saurons distinguer les divinités les plus fréquemment nommées, à savoir : Héra, Zeus, Poséidon, Hermès, Héphaïstos, Arès, Apollon, Athéna, Aphrodite, Dionysos, Artémis, Hadès.
C’est le feu sacré de l’Olympe, dérobé par Prométhée, qui apporte la Civilisation aux Hommes. L’Olympe devient l’atelier des Forgerons du Ciel dans la tradition dogon. Les dieux sont les Forgerons du Ciel. Aboubacry Moussa Lam et Mamadou Ibra Sy reviennent sur la tradition du feu en Afrique noire : « Pour les Dogon, notent-ils, le rôle du premier ancêtre était d’apporter aux hommes le feu pour leur permettre de cultiver. Pour accomplir cette mission, le Nommo a dû voler du feu de l’atelier des grands Nommo. Le fer et le feu sont d’origine céleste. Ils sont la propriété du Nommo. La sacralité du forgeron vient de la sacralité du feu et du fer; deux éléments célestes. Pour les anciens Égyptiens, le fer provient du ciel puisqu’on l’appellebi3 n pt (merveille du ciel). On retrouve cette métaphore dans toute l’Afrique parce qu’ici comme en Égypte, le fer est censé provenir de l’atelier céleste. D’ailleurs, pour les Égyptiens anciens le fer est le métal dont est formé le ciel » (Le Forgeron en Afrique…, Revue Sénégalaise d’histoire). En Grèce, Prométhée est le Titan qui apporte la métallurgie aux Hommes. « De colère, écrivent Grant et Hazel, Zeus décida de priver les mortels du feu. Mais Prométhée désobéit une fois encore à la décision divine en dérobant le feu dans une tige de fenouil, sur l’Olympe ou bien dans la forge d’Héphaïstos; puis il l’apporta aux hommes (il leur enseigna également de nombreuses techniques, dont la métallurgie) » (Grant et Hazel, 1975).
La plante de narthex (férule) est un fenouil géant, fenouil se dit marathos en grec; et c’est de cette expression que naît le marathon, exercice auquel se livrait celui qui devait transporté le feu sacré d’une ville à l’autre, c’est-à-dire le fenouil à l’intérieur duquel brûlait la braise. En Afrique noire, comme je le montrerai plus loin, ce rituel était lié au forgeron et à la fondation des villes. La flamme olympique est une image du feu divin qui ne doit jamais s’éteindre. Les jeux olympiques naîtront de cette tradition. La palme que l’on plaçait dans les mains du vainqueur et le rameau d’olivier qui couronnait sa tête, le kotinos, sont des symboles rattachés à Osiris. Les jeux avaient lieu à Olympie, à l’ouest du Péloponnèse. Pelops, roi fondateur des jeux olympiques, celui d’après lequel la presqu’île fut nommée, était un Éthiopien; l’étymologie du nom le suggère, pelon signifiant noir et ops visage. Pelops littéralement signifie visage noir. Le signe de cette antériorité éthiopienne est perceptible à travers le nom que prit le Péloponnèse au 12e siècle, appelé Morée par Guillaume de Champlitte, chevalier Franc des Croisades, qui y fonda la principauté d’Achaie. À Delphes, le rameau d’olivier était remplacé par la couronne de laurier; les jeux isthmiques quant à eux offraient une couronne de pin au vainqueur. L’Olympe ou Olympos, d’après les pythagoriciens, désignait le séjour des êtres purs et immortels. Ce terme, Olympe, est la francisation du grec Olimpo signifiant hauteur, élévation.
Héphaïstos, le dieu forgeron, celui des métallurgistes, est l’équivalent de Ptah, le chef des métallurgistes, dans la tradition nilotique. Les deux noms sont construits sur le même radical pth; hephtai, en grec, a le sens de brûler, allumer; hêphaisteîon désigne le volcan perçu comme une forge pleine du métal en fusion; à Rome, Ptah deviendra Vulcain. Le swahili hotuba signifiant parole donne à voir le même squelette de consonnes ptah, soit htb(a) ou htph(a); et l’on sait le lien étroit qui persiste entre Ptah, le dieu de Memphis, et la Parole créatrice. De la même manière, un rapport a été établi entre le personnage biblique Jephté et la parole. Corinne Lanoir écrit : « (…) Jephté est un personnage qui va beaucoup se déplacer et prendre la parole, ouvrir la bouche. Le nom Jephté est construit sur la racine : (phâtach) ouvrir, et constitue donc en lui-même une sorte de déclaration : il ouvre. On peut relever dans l’ensemble du récit l’importance des verbes de mouvement, marquant des allées et venues, des traversées de frontières, de seuils, la récurrence des verbes : aller, venir, sortir, revenir, et surtout de nombreuses répétitions du verbe : passer, traverser, un mot clé pour l’ensemble du cycle de Jephté. Cela permet de délimiter quatre séquences dans le cycle, où Jephté apparaît comme un passionné de l’acte de parole, de la négociation (…) » (Femmes fatales et filles rebelles…, p.150).
Les dictionnaires nous apprennent que le latin faber signifiant forgeron procède du radical indo-européendhabh, le b et le ph étant interchangeables, on retrouve donc la translitération ptah ou phtah (phtah =sculpteur dans la langue grecque) qu’offre le squelette hiéroglyphique qui sert à écrire le nom du Dieu. Ptah est le maître de la métallurgie, de l’architecture et de la sculpture, se substituant parfois à Amon et à Khnoum.
Soulignons que les radicaux indo-européens décrivent évidemment une catégorie linguistique nébuleuse dans la mesure où indo, comme je l’ai montré, dérive de hindi signifiant noir, et que l’Europe est nommée d’après une princesse cananéenne (Phénicie), sœur de Cadmos. Les Cananéens, premiers habitants de la Palestine, sont des populations apparentées aux familles du Continent noir. Le squelette du Natoufien, habitant des temps préhistoriques, présente des caractéristiques morphologiques africaines. La cosmogonie phénicienne, révélée par Sanchoniaton et traduite par Philon de Byblos, présente une structure typiquement « égyptienne », ces traits sont confortés par l’histoire de cette région qui fut entièrement administrée par des fonctionnaires Kémites pendant plusieurs siècles. L’identification des peuples dits indo-européens aux populations leucodermes arrivées d’Asie autour du premier millénaire avant l’ère actuelle confère à ces peuples récents une personnalité et un nom civilisé d’emprunt traduits à travers une langue qui ne leur appartient pas. La plupart des radicaux dits indo-européens présentent une structure et une origine bantu.
On trouve en plein cœur du pays bantu une montagne appelée Lembo (Lumbo), le modèle de l’Olympe (Lŭmbo) grec. Le site dont il est question est décrit comme suit par le Grand Dictionnaire géographique et historique critique (1768) : « LUBOLO : pays d’Afrique, dans l’Éthiopie orientale, au royaume d’Angola, entre la rivière de Coanza et le royaume de Benguela (…) Cette province fournit une grande quantité d’excellents fers, qui n’est produit que par l’écume des rivières et des torrents; pour le recueillir ils étendent sur le bord des torrents des faisceaux de pailles et d’herbes sèches : l’écume de ces eaux ne manquent pas de s’y attacher : on les retire lorsqu’on remarque qu’ils en sont chargés; on les fait sécher; on en met de nouveaux à leur place; et quand ces premiers sont secs, on les secoue pour en faire tomber la matière dont ils étaient chargés; on la met dans des creusets, où à force de feu on la fait fondre, on la purifie, et on en fait des barres d’un excellent fer. On trouve encore dans cette région des pierres de différentes figures, qui ont quelque transparence : on les appelle Tary-ya, dans le langage du pays, c’est-à-dire pierre de tonnerre; parce que ces peuples s’imaginent qu’elle tombe du ciel, quand le tonnerre gronde sur la tête. Lorsqu’on leur a apporté du verre d’Europe, ils l’ont cru produit par le tonnerre, et lui ont donné le même nom.
Cette province ne laisse pas d’être fertile, quoique pleine de montagne, elle est arrosée de tant de sources et de ruisseaux, qu’on trouve partout des prairies couvertes d’une herbe fine et délicate, qui nourrit et engraisse des troupeaux nombreux de toutes sortes d’animaux domestiques, qui y seraient encore en bien plus grand nombre si d’autres troupeaux d’animaux sauvages et carnassiers n’en enlevaient une partie considérable. Chitucuello-Cocoriondo est la résidence du gouverneur de la province. Cette petite place est bâtie sur le penchant d’une très haute montagne appelée Lembo » (p.418).
L’Olympe grec paraît comme une copie du mont Lembo; Lembo et Olympe sont strictement un seul et même mot d’après l’étymologie grecque même; radi est le terme swahili pour dire tonnerre, rad en arabe désigne le tonnerre, rog est le dieu sérère dont la voix est le tonnerre; Cheikh Anta Diop fait correspondre ce mot, rog, au latin rex (reg-is) signifiant roi, au pharaonique râ ou ré, le roi des Dieux de la tradition nilotique (Diop, 1954). Djyo, est le nom pour la Divinité dans la langue Mbo’o, peuple du groupe Sawa du Cameroun; Zeus dérive du sanskrit Dyu, langue des Dravidiens de l’Inde. Djyo est associé à la foudre et au tonnerre. Les torrents d’eau qui coulent de la montagne Lembo apportent le fer provenant de l’atelier des Forgerons du Ciel, le tonnerre est le signe manifeste du dieu qui deviendra Zeus usant de sa foudre; ces plantes qui recueillent le fer sont-elles l’image du fenouil qui apportera le feu aux humains ? En Afrique noire, le fer et le feu sont des éléments indissociables et se trouvent au fondement de la Civilisation.
Lubolo est le domaine du Manikongo, le pays des Éthiopiens longue vie (macrobiens). L’abondance que connaît ce pays a déjà été soulignée par Hérodote. L’auteur grec rapporte en effet que les Éthiopiens macrobiens sont les plus beaux et les plus grands de tous les hommes, le peuple le plus juste de la terre, leur santé est à toute épreuve, et l’abondance des ressources alimentaires est symbolisée par ce que l’auteur grec nomme la Table du Soleil dressée la nuit par des émissaires du roi qui déposent discrètement une quantité de viande apprêtée sur un gazon réservé à cette fin. Au lever du Soleil, n’importe quel ressortissant du pays pouvait venir profiter de cette nourriture offerte gratuitement et anonymement. Est-ce le banquet auquel assiste Zeus et les dieux de l’Olympe tel que nous l’apprend Homère ? « Zeus est parti hier du côté de l’Océan prendre part à un banquet chez les Éthiopiens irréprochables, et tous les dieux l’ont suivi. Dans douze jours, il retournera dans l’Olympe. (Iliade I, 423-425) ». Homère offre la même destination au dieu Poséidon : « Or, le dieu (Poséidon) s’en alla chez les Éthiopiens lointains » (Odyssée I, 22-26). Lycophron (4e siècle av. l’E.E.) quant à lui appelle Zeus l’Éthiopien (Alexandra, 536).
Contrairement aux insinuations du Dictionnaire géographique et historique critique, les Éthiopiens n’ignoraient pas la fabrication du verre, connue à Kemet depuis la haute antiquité, et on peut même dire que c’est de l’Afrique que sont sorties ces techniques.
Le radical bantu umbo/umba/umbi que l’on retrouve dans Lembo entre dans la plupart des mots qui se rattachent aux métiers rendus possible grâce à l’acquisition et à la maîtrise du feu : tissage, métallurgie, poterie. C’est le dieu Bumba (B-umba) qui tient le rôle de Ptah dans la région des Grands Lacs. Le récit cosmogonique raconte que c’est Bumba qui apprit le secret du feu aux mortels. « En langue kongo, écrit Théophile Obenga, le verbe bumba signifie mouler, faire des objets de poterie; créer, faire, bâtir (avec la terre). Un dialecte kongo comme le parler vili précise : Bumba : nom générique de tout objet plus ou moins artistement travaillé » (Les Bantu : langues, peuples, civilisations, p. 254).
Cette étymologie fait du mont Lembo l’atelier des dieux par excellence. « Créer, faire avec art, travailler de façon belle l’argile, tel est le contenu sémantique du verbe bumba, poursuit Théophile Obenga, d’où est sorti le substantif désignant l’artisan et l’artiste lui-même, à savoir le potier, appelé de manière homogène dans le monde bantu, non sans raison : Kongo : bumba, mouler, faire des objets de poterie; créer, faire; bumbi, potier, celui qui fait des articles de poterie. Kimbundu : mu-umbi, potier. Teke : i-mbuba, pl. bi-mbuba, potier. (Lo)Mongo : bomba, mouler, façonner l’argile. Lia : i-bomba, poterie, argile pour poterie, faire des pots. Ntomba : i-bomba, poterie, argile pour poterie, faire des pots. Tetela : i-bomba, poterie, argile pour poterie, faire des pots. Rwanda : ku-bumba, faire des poteries. Rwanda : ubumba, argile (pour poterie). Kuba : -boom, mouler, façonner de l’argile. Luba : di-bumba, argile pour poterie; -bumb-, mouler, façonner de l’argile. Ambo : mumba, argile pour poterie. Songye : -bumba-, faire des pots. Ombo : j-umba,pot (petit). Luganda : bumba, façonner de l’argile; omu-bumbi, potier; olu-bumbi-ro, olu-bumbiro, moule du potier; bbumba, argile de poterie. Zigula : ku-umba, faire des pots. Kikuyu : -umba, façonner des pots; mu-umbi, potier; ri-umba, argile pour pot et poterie; uumbo, forme, apparence, configuration. Kamba (Kenya) :-umba, faire, créer (des pots); ki-umbio, endroit où l’on fabrique des poteries. Swahili : umbo,forme. Tonga : mu-wumbi, potier. Shona : -umba, former, mouler, façonner de l’argile; chi-umbwa, objet d’art, poterie. Duala : umbwa, fabriquer; umbwa wongo, fabriquer une marmite. Zulu : u-mbumbi, potier, okwe-bumba, poterie; i-bumba, argile (pour poterie). Tumbuka : mu-wuvi, potier. Bemba : uku-bumba, poterie » (idem, p. 255).
Quoi que Théophile Obenga insiste davantage sur la notion de poterie, le même radical umba s’applique également au travail du métal et à l’art d’une manière générale. Le ki-umbio, l’endroit où l’on fabrique des poteries, offre aussi le sens de lieu d’initiation puisque du radical umba dérive le mot kilombo, lieu de refuge, généralement situé en montagne, qui accueillait les captifs échappés des plantations esclavagistes du Brésil, et où l’on observait les traditions initiatiques des populations africaines déportées. Zumbi, l’un des chefs abolitionnistes noirs du Brésil, fondateur du Kilombo dos Palmares, a son nom construit sur le même radical umba, et qui sert aussi à désigner le grand Dieu Bantu Nzambi.
C’est du radical umbo/umba/umbi que dérive le germanique cl-imben (to climb), gravir (la montagne); les dictionnaires donnent en effet à ce mot (climben) les archaïsmes climban, klimbana, klibana, klimmen; or, « montagne » se dit kilima en swahili, et l’on perçoit sans peine l’origine de tels « archaïsmes ». Kilima Ndjaro, littéralement la Montagne du Dieu; Ndjaro est l’une des vocalisations du mot netjer (dieu) de la tradition nilotique, le t pouvant se réaliser en d comme dans l’arabe rat qui devient rad, le tonnerre, on obtient nedjer = ndjaro.
Le rôle de premier plan qu’occupe le forgeron dans la tradition initiatique des peuples noirs tient de l’importance reconnue au feu et au fer dans le processus de civilisation; « (…) le fer n’était pas dans cette Afrique précoloniale un matériau facile, explique A. Moussa Lam; il était même hautement stratégique; si stratégique que les premières royautés d’Afrique, de l’Égypte ancienne à la période précoloniale, ont été des royautés de métallurgistes » (Les Chemins du Nil, p.143).
C’est au forgeron que revenait la charge de pratiquer le rite de circoncision, lieu de passage de l’adolescence à la vie d’adulte chez les peuples kémites et c’est à lui que revenait également d’officier lors des accouchements, des funérailles, etc. Le forgeron est le passeur par excellence. Le forgeron a maîtrisé le feu grâce auquel l’agriculture a été possible. Il a fabriqué les armes qui ont assuré la victoire devant l’ennemi et la sécurité du royaume. Il connaît les chemins qui conduisent au feu sacré, c’est-à-dire à la Connaissance, au Ciel. « En Sénégambie, la forge Sereer du Jegem est d’abord un lieu de culte, note A. Moussa Lam et M. Ibra Sy. Chez les Dogon et les Bambaras du Mali, la forge symbolise l’homme et les différentes étapes de la création. Dans les sociétés bambara et malinké, les forgerons présidaient les sociétés des masques. Et dans d’autres contrées, ils sont guérisseurs, accoucheurs, etc., c’est dire que le maître ouvrier ou chef d’atelier était non seulement un travailleur manuel, mais aussi et surtout un prêtre officiant » (Le Forgeron en Afrique noire, Revue Sénégalaise d’histoire).
Dans une note sur les forgerons et la forge en pays minyanka, Danielle Jonckers précise : « Fondeur de fer, producteur des instruments agricoles, armurier, chirurgien et initié majeur, le forgeron concentre une formidable puissance potentielle. D’après la tradition depuis les temps les plus reculés, le forgeron est demeuré pour tous et plus encore pour les chefs, un conseiller naturel à la fois écouté et redouté, respectable et respecté. Exclu comme parent et comme allié des lignages dominants, le forgeron est écarté des intrigues du pouvoir et maintenu au rang de fidèle conseiller. Étant donné qu’en pays minyanka les échanges matrimoniaux sont la principale source de conflit, les chefs de guerre ne peuvent se permettre de donner ou de prendre femme chez les forgerons. Ces derniers pourraient s’assurer la suprématie puisqu’ils sont fabricants d’armes et chirurgiens ». (Notes sur le forgeron, la forge et les métaux en pays minyanka, p.106). C’est le forgeron qui accompagnait le jeune myste à travers les étapes de l’initiation.
En swahili, initiation se dit ndwa, la Dwt (Douat) de la tradition nilotique, l’Hadès des mythologues grecs. Et on comprend dès lors pourquoi le rôle du passeur fut attribué à Anubis. Anubis, en effet, est la grécisation du nom inpw qui renvoie au chien, au chacal, aux canidés en général; il s’agit mot pour mot du terme bantu employé pour désigner l’art du métallurgiste; car, en effet, la vocalisation d’inpw traduit imbwa, le chiendans les langues bantu; ainsi, imbwa (chien) et umbwa (artisan) procèdent d’un jeu de mots entre chien etartisan (métallurgiste) que devait parfaitement saisir l’initié bantu. Quelques traductions du mot chien dans les langues bantu : Kongo : mbwa; Swahili : imbwa, mbwa; Ewondo : mvu; Ombo : mbwa; Amba :mbuwa; Mpongwe : mbwa; Luba : mbwa; Pindi : mbwa; Lori : mva; Hunde : bwa, mbwa, imbwa; Binji :mbu; Herero : ombwa; Kikuyu : mbawa; Lunda : ka-bwa; Rwanda : imbga, imbwa; Subia : umbwa, mbwa; Bemba : imbwa; Zulu : inja; Shona : imbga, imbwa, mbwa, ingwa, etc. (Obenga, 1985).
Diodore de Sicile décrit le rituel funéraire kémite : « Lorsque le corps est prêt à être enseveli, les parents en préviennent les juges, les proches et les amis du défunt; ils leurs indiquent le jour des funérailles par cette formule : Un tel doit passer le lac de la province où il est mort. Aussitôt les juges, au nombre de plus de quarante, arrivent et s’asseyent dans un hémicycle placé au-delà du lac. Une barque appelée baris est alors amenée par ceux qui sont chargés de les construire; elle est montée par un pilote que les Égyptiens appellent Charon. Aussi prétendent-ils qu’Orphée, voyageant en Égypte, avait assisté à cette cérémonie et qu’il avait tiré sa fable sur l’enfer, en partie de son souvenir et en partie de son imagination » (Bibliothèque historique, Livre I). « Baris » désigne la barque d’Isis, celle avec laquelle elle entreprit, suivi d’Anubis, la quête du corps d’Osiris jeté au Nil par Seth et les conjurés. Certains auteurs y voient l’origine probable du nom de la ville de Paris, hypothèse sur laquelle nous reviendrons. Charon ou Caron, le kher-eb de la tradition kémite, prêtre-officiant qui accueille le cortège funèbre et prononce la formule qui autorise le passage vers l’Amenti (Ouest, séjour des morts), est le nom que les grecs donneront à Imbwa (Anubis).
Le Kher-eb est le prêtre-officiant qui autorise de franchir le passage du Ro-Setaou, il accompagne le défunt dans son voyage vers l’Au-delà, ouvre et consacre les offrandes au dieu Anubis, et procède à la cérémonie de l’ouverture de la bouche. Charon, nom dérivé de Kher-eb, le nocher de l’enfer, est un vieil homme à l’aspect revêche, vêtu de guenilles, sale et peu aimable; il aide les âmes à traverser le Styx, le fleuve des enfers, moyennant le paiement d’une ou de trois oboles. Jurij Lothman et al. nous apprennent que: « Dans la mythologie égyptienne également, Anubis, protecteur des morts (et dieu des morts à la période du Haut-Empire) est révéré sous la forme d’un chien ou d’un chacal ou encore sous la forme d’un homme à tête de chien ou de chacal. Remarquons encore que les Grecs donnaient à Charon (ceci aux origines) une forme de chien » (Sémiotique de la culture russe, p. 454).
La traversée d’une rive à l’autre du Styx (le fleuve des enfers) est rendue possible grâce à l’obole que l’on plaçait dans la bouche du défunt et qui devait servir de monnaie de passage. L’origine de cette tradition est à rechercher dans la cérémonie de l’ouverture de la bouche que l’on pratiquait dans la vallée du Nil. L’obole, c’est le métal, car en effet, obole vient du grec oboloi qui désigne les broches de fer. À Kemet, les barres et les broches de fer auront servi de monnaie d’échange pendant plusieurs siècles; cette tradition est encore vivace dans certaines régions du Continent noir. Jacques Giri le note : « Les barres de fer n’ont vraisemblablement pas été introduites (au Sahel) par les commerçant européens. Elles étaient déjà forgées par les artisans locaux et servaient à la fabrication des armes et des outils et peut être aussi de monnaie (…) » (Histoire économique du Sahel…, p.186). Plutarque donne à Lycurgue d’avoir introduit la monnaie de fer (obole) en Grèce (Sparte) et précise que dans l’ancien temps la monnaie d’usage était des brochettes de fer
Sur la rive du fleuve, Charon sélectionne les défunts qui ont mérité un enterrement adéquat et les transporte dans sa barque à la condition qu’ils paient le passage au moyen d’une ou de trois oboles. Cette tradition donne à Charon ou Anubis, le Kher-eb, d’être la figure du forgeron, le guide de l’initiation aux mystères. En effet, on retrouve Charon muni d’un marteau de forge dans l’iconographie étrusque : «l’influence égypto-phénicienne sur les Étrusques est très nette, de même que sur les Sabins, dont le nom, comme les coutumes, évoquent les civilisations nègres méridionales, écrit Cheikh Anta Diop, (…) les Sabins et les Étrusques pratiquaient l’ensevelissement du cadavre. Les Étrusques connaissaient et utilisaient le sarcophage égyptien; ces populations étaient également agricoles, leur vie était réglée par le matriarcat. Ce sont les étrusques qui ont apporté tous les éléments de la civilisation égyptienne sur la presqu’île italique : art, religion, art divinatoire. » (Nations Nègres et Culture, p.178-179). Autrefois, l’enclume était en pierre et une pièce de fer (sans manche) était utilisée comme marteau. Il fallait être au moins trois pour forger (Danielle Jonckers, 1979).
« La première enclume mythique fut le premier yapєrє, le premier autel portatif. C’était une pierre enflammée qui traversa le ciel et tomba dans la brousse. Elle renfermait des forces (nyama) redoutables. Son premier possesseur est le vautour qui porte le même nom que l’enclume : tumpongno. (…) La figure symbolique du vautour, premier possesseur de l’enclume, est présente dans toutes les sociétés d’initiation : Koro, Nya ou Wara, Sandongo ou Sandugu, Manyan. (…) Le mot yapєrє s’applique à une notion complexe, à défaut d’équivalent français nous le traduirons par autel portatif. Le yapєrє est un objet fabriqué, un amalgame de fragments divers chargés de forces dangereuses, de nyama. La conjonction des principaux autels réalise un véritable microcosme. Le plus dangereux des yapєrє est le plus ancien : c’est l’enclume (tumpongno) qui renvoie à l’outil des récits mythiques. L’enclume, dit-on, est le seul yapєrє qui peut traverser les sept ciels et atteindre Klз (dieu). Pour ce faire, elle se transforme en vautour et retrouve sa forme d’enclume pour traverser l’un des ciels, qui est en feu. Le premier chef du culte, qui porte le nom de l’autel et lui est consubstantiel, est le vautour. Il avait convié le singe gbongno (cynocéphale); en bambarangon, et le singe kotuno (cercopithèque, en bambara warablé) à offrir un sacrifice à l’enclume avant de fabriquer des outils. Le singe gbongno est, selon certaines versions, un ancêtre du forgeron auquel il aurait appris les techniques de forge. Selon d’autres versions, il est un forgeron déchu pour avoir rompu un interdit. Quoi qu’il en soit, le singe gbongno représente, dans toute la tradition orale, le forgeron. Il existe même une chanson d’enfants qui dit : tutu ma nye gbongno (gbongno tu es un forgeron) et qui, assure-t-on, fait danser le cynocéphale. Après avoir fait leur sacrifice, les trois animaux (le vautour tumpongno, le singe gbongno et le singe kotuno) commencèrent à façonner les outils. Le kotuno vit arriver un forgeron en tenue de chasseur. Il demanda à ses compagnons de l’excuser quelques instants et s’enfuit discrètement. Le chasseur tua le vautour et le gbongno. C’est, dit-on, parce que le chasseur forgeron a tué son parent legbongno que le nyama de celui-ci transforme les forgerons en cynocéphales après leur mort. » (Danielle Jonckers, 1979).
Le gbongno, l’ancêtre des forgerons, singe cynocéphale, c’est-à-dire à tête de chien (kunos = chien, kephalé = tête), est une allusion évidente à Imbwa (Anubis), le dieu cynocéphale de la vallée du Nil. Le récit mythique raconte que le chasseur emporta les têtes des animaux tués au village, celles-ci devinrent les masques rituels dont se servent les forgerons lors de cérémonies sacrées. Le vautour et les deux singes représentent la triade que nécessitait le travail de la forge. Les offrandes aux trois ancêtres représentent probablement les trois oboles requises par Charon au moment de la traversée du fleuve des enfers. L’image du vautour est omniprésente dans l’iconographie de la vallée du Nil, cette omniprésence sera commentée dans un prochain chapitre.
Dans le Christianisme, les trois oboles deviennent les trente (30) deniers offerts à Juda pour la livraison, autrement dit le passage, du personnage de Jésus, trois et zéro font trois. Iscariote (Ish-cariote, Ish-kerioth), l’épithète de Juda, est construit à partir du radical ker /kar de Caron (Charon) rattaché au kher-eb, le prête-officiant des mystères kémites (Carit désigne le prêtre chez les Chrétiens orientaux) : la Bible donne à Juda une origine dans la ville de Kerioth. Jocelyne Strauz analyse cette étymologie : « a) Kerioth en hébreu signifie ville (plus exactement villes, Kerioth est le pluriel de Keriah), donc à la limite cela ne veut rien dire si ce n’est que Juda viendrait de la ville, des villes; b) Aucun Atlas de la Bible ne la situe avec certitude. Elle est mentionnée au sud de la Judée, mais suivi d’un point d’interrogation. Comme d’autres lieux incertains d’ailleurs cités dans les Textes. Ce qui signifie, l’absence de traces; c) la troisième nous apprend par les historiens (Flavius, Philon, Hérode, Strabon, Tacite…) que dans cette région reculée s’étaient réfugiés les Zélotes et les Sicaires (les hommes aux poignards), les résistants de l’époque de la domination romaine et que les légions romaines ne s’y aventuraient pas ou rarement. Donc, nous ne possédons aucun autre témoignage sur Juda que sa propre parole » (Les Enfants de Lublin, p. 190). La Bibliothèque orientale précise encore que : « Kerath, mot arabe qui signifie proprement gousse de caroubier, c’est aussi le nom d’un poids, qui est la moitié du Danek, ou Grain, dont six font le Dirhem, ou la Drachme arabique, de sorte qu’il y a douze kerath à la Drachme. C’est de ce mot que vient celui de Carat, dont nous nous servons, et qui pèse quatre de nos grains » (P. 475). Le lien avec l’obole, monnaie qui se définit en fonction du poids, peut être souligné. À Kemet, le mot S3b désignait à la fois le chien, le loup et le chacal, de sorte que les grecs nommeront Cynopolis (ville du chien) le lieu de son temple principal. Un autre dieu-chacal funéraire appelé Oupouaout, Ophoïs en grec (wp-w3wt : l’ouvreur des chemins) avait son temple dans la ville appelée Lycopolis (la ville du loup) par les grecs, l’actuelle Assiout. Il n’est donc pas exclu que Kerioth ait pu désigner en Palestine romaine une ville associée au culte d’Anubis.
Anubis-Oupouaout est le pontifex (pontife), celui qui fait le pont, c’est-à-dire le chemin. Le terme pont dérive du latin pons signifiant passage, où l’on retrouve la figure de Ponce Pilate, l’ordonnateur du passage, c’est-à-dire de la crucifixion du personnage de Jésus. À Rome, le corps des défunts était rangé dans des niches funéraires que supervisait le dieu Anubis; de là vient l’association des chiens à la niche, pratique contemporaine. Les fouilles effectuées par Jean-Yves Empereur dans la nécropole d’Alexandrie ont mis à jour des peintures décrivant le mot grec Anoubata provenant du nom Anubis et signifiant pompes funèbres. Les 30 deniers de Juda serviront à l’achat du Champs du Potier, autre métier rattaché, comme on l’a vu, à la maîtrise du feu. Le Champs du Potier se trouve aujourd’hui dans la vallée de Géhenne et accueille un monastère dédié à Saint-Onouphrius. Onouphrius est la vocalisation latine de Wnn-nfr (Ounennefer), épithète d’Osiris signifiant perpétuellement beau ou bon (parfait). La Géhenne est une vallée associée à l’enfer, lieu de supplice des âmes damnées dans les religions abrahamiques. L’enfer, infernus, comprise comme ce qui est en-dessous, est le domaine d’Osiris divisé en plusieurs régions dont celles des bienheureux et des damnés. Saint-Onouphrius est le patron des tisserands, troisième métier, après la métallurgie et la poterie, rattaché à la maîtrise du feu.
A. Moussa Lam et M. Ibra Sy ont déjà souligné le fait que : « les tisserands et les forgerons occupent une place importante dans la hiérarchie sociale. Ils détiennent l’un le métier à tisser, l’autre la forge qui revêtent une valeur symbolique ambiguë et confèrent à ceux qui les utilisent un caractère sacré. Le rang donné aux tisserands ne doit pas étonner si on étudie la cosmogonie des Dogon. Le tissage est une forme de langage sans laquelle le forgeage qui est la technique la mieux perfectionnée, n’aurait pas vu le jour. (…) » (Le Forgeron en Afrique noire, Revue Sénégalaise d’histoire). Joseph Ki-Zerbo apporte plus de précisions : « Les métiers artisanaux sont de grands vecteurs de la tradition orale. L’œuvre des artisans est grande parce qu’elle imite la création divine elle-même. La tradition bambara enseigne que Maa Ngala, en créant l’univers, y a laissé des choses inachevées afin que Maa (note : Maât, l’harmonie) les complète et les modifie en vue d’un achèvement. L’œuvre artisanale est donc de répéter ou reprendre la création, et cela par le truchement de la parole. On dit : le forgeron forge la parole, le tisserand la tisse, le cordonnier la lisse en la corroyant. Chaque métier fourmille ainsi de symboles. Le tisserand (Maabo chez les peuls) garde en dépôt le sens de chacune des 33 pièces qui composent le métier à tisser (note : 33 est le nombre de vertèbres humaines et le nombre de degrés initiatiques dans les traditions du Mandé, komo). Les 8 bois principaux de la charpente symbolisent par les bois verticaux, les quatre éléments-mères (terre, eau, air, feu) et les quatre points cardinaux; par les bois transversaux, les quatre points collatéraux. À ces huit bois s’ajoute le tisserand lui-même pour constituer neuf éléments qui représentent les neuf classes d’êtres, les neuf ouvertures du corps (portes des forces de la vie), les neuf catégories d’hommes chez les Peuls, etc. Avant d’entamer son travail, le tisserand touche chaque pièce du métier avec des invocations » (Histoire générale de l’Afrique, vol. 1, pp 103-104). Le bâton médian du métier à tisser se nomme mátáhà chez les Soninké, terme construit à partir du radical maâ(t), exprimant la mesure et l’équilibre.
C’est à la lumière de ces trois métiers, forgeron, potier et tisserand, que s’explique le nom de couronnement nesout-bity du maître du Double-Pays; nesout (nswt) ayant le sens de jonc, roseau et bity(bi.t) d’abeille. Ce nom de couronnement paraît comme le nom de héros civilisateur du roi. Le jonc ou le roseau fait évidemment référence au fenouil (férule) ou narthex, le bâton-de-voleur du Forgeron divin; la flamme du fenouil est celle qui s’élève du jonc (voir hiéroglyphe) comme la couronne de Shou (voir papyrus Greenfield) elle aussi montre une flamme : Shou est le dieu qui incarne le feu originel. Quant à l’abeille, son image et la production de miel était des privilèges royaux. Oscar Pfouma revient sur la désignation de l’abeille à Kemet : « le vocabulaire égyptien consacré à l’abeille et au miel croise un lexique africain varié(…) : by.t, miel, abeille, évoque le fang : abe, l’upoto : bwi, le buduma : buy; le bagbira : bui, abeille, le tunen : buoy, miel; (…) enfin hm, dieu des Abeilles (…) nous semble aujourd’hui encore évoqué les langues nilotiques : suk : kum-at, miel ; nandi : kumi-at, et le mandingue, kum- abeille, kisekise : kumi, mande : komi. (…) Pour l’égyptien antique, l’abeille est sacrée, il l’assimile à des déesses : n.t Neith, l’Abeille; lui consacre des lieux; particulièrement dans le Delta : hw.t bi.t (temple de l’abeille); pr- bi.t littéralement maison de l’abeille, temple de Neith à Saïs, 3h bi.t fourré de l’abeille; il lui rend un culte; Jean Leclant a noté que les prêtres du dieu Min semblent avoir été primitivement en rapport avec la récolte du miel. Les Égyptiens figuraient aussi l’âme humaine sous la forme d’une abeille – conception que l’on retrouve chez les Bantu, les Tshaga par exemple, pour qui sous tous les rapports, les abeilles sont des êtres humains. (…)Chez les Basari, les abeilles sont associées aux angoty, aux âmes des parents défunts, hommes ou femmes » (À propos de l’Abeille égyptienne et les Textes des Sarcophages, 2004).
Dans le Cayor (Sénégambie), le privilège du miel est reconnu aux forgerons qui sont les protecteurs des abeilles. Le Guide des croyances bambara, dogon et peul nous apprend que la cire produite par l’abeille sert au bronzier (forgeron) pour la technique de la cire perdue et au tisserand qui en frotte les fils pour obtenir des bandes de coton à la fois brillantes et résistantes (De Courtilles et Prévost, 2005). « Incontestablement toutefois, lit-on dans l’Histoire générale de l’Afrique, c’est dans l’orfèvrerie et la fonte, notamment d’objets en or et en laiton, que les peuples de la côte de la Guinée inférieure en général, et notamment les Akan, excellèrent tout particulièrement. Les orfèvres, utilisant essentiellement la méthode de la cire perdue, produisaient des objets d’une finesse exquise » (vol.5, p.480).
Dans la région des Grands Lacs, le terme elomba (Mbochi) qui sert à désigner la poterie est un synonyme pour chef (de clan), l’ancêtre, l’ancien, elombe. Ce mot construit le vocatif Hilolombi des Basaâ du Cameroun, l’Ancien des Anciens, le Chef des Chefs, l’Ancêtre primordial, le grand Dieu de la cosmogonie basaâ. Cette compréhension offre à Hilolombi les caractères d’un potier, d’un artisan, tel le dieu Khnoum d’Éléphantine. La syllabe UM, radical permanent qui sert à écrire tous ces termes se rattachant au travail de l’artisan, à l’abeille, au feu, à la divinité, etc., présente un caractère sacré chez les Basaâ qui la rattachent à la civilisation, au pouvoir politique et religieux et à la fondation des villes : Le UM disent les Basaâ, se trouve dans la rivière. Il s’agit du fer que l’on pêche avec des faisceaux de pailles et d’herbes sèches; fer provenant de l’atelier des Forgerons du Ciel. La syllabe dravidienne OM est identique dans ces manifestations au UM basaâ et présente le même caractère associé au feu sacré.