Devant les pères africains humiliés et disqualifiés par les colonisateurs européens, il semble que les petits-nègres, traumatisés par la scène à laquelle ils avaient assisté, se détournèrent de leurs autorités traditionnelles pour investir les substituts de ceux-ci promus par les conquérants. De ce temps-là daterait, sous l’influence pernicieuse du mécanisme psychologique d’identification du vaincu au vainqueur, la haine inextinguible et le mépris des Nègres pour les figures paternelles qui tentent d’émerger des décombres leur société déstructurée.
La place du père légitime étant devenue vacante chacun chercha désormais à se positionner avec l’aval du « méga-Colon ».
Les simulacres de lutte politique auxquels nous assistons depuis «Le Soleil des Indépendances» trouvent donc leur origine dans le traumatisme colonial qui a anéanti les fondements culturels du monde négro-africain, pour leur substituer le schéma occidental qui prévoit que le Président d’une République bananière devra être une sorte de «Gouverneur de colonie».
Telle est l’origine assignable à l’aliénation de l’homme négro-africain.
L’historien Ki-Zerbo dans son dernier livre : « A quand l’Afrique ? », écrit à ce propos :
«Aucune collectivité humaine n’a été plus infériorisée que les Noirs après le 15e siècle. On a commandé des esclaves noirs par millions ; on a utilisé des Noirs comme des reproducteurs d’autres Noirs dans les haras pour reproduire d’autres petits noirs pour le travail dans les plantations. Combien d’enfants africains a-t-on jetés par-dessus bord ou abandonnés dans les comptoirs, loin de leur mère qu’on emportait, parce qu’il aurait fallu trop de temps pour les nourrir avant qu’ils ne soient exploitables ? On les achetait par tonnes. On amputait et dépeçait comme viande brute les rebelles dits « nègres marrons ». Pendant ce temps les théologiens en Europe débattaient doctement la question de savoir si les Noirs avaient une âme…»
Contrairement à nos célèbres afro-pessimistes locaux, ces « chevaux de Troie » infiltrés, Ki-Zerbo ne croit pas, preuves à l’appui, que l’Afrique Noire a été colonisée parce qu’elle était sous-développée, mais que c’est parce qu’elle a été colonisée qu’elle est devenue sous-développée.
Le postulat selon lequel l’Histoire est soumise à la Loi de la répétition, permettra, en s’appliquant à la période actuelle, de savoir si l’homme noir éprouve des difficultés à surmonter le traumatisme colonial et à réintégrer la « communauté des Nations ».
Si donc ce qui se passe actuellement doit être considéré comme une répétition de l’affrontement colonial, que nous est-il donné d’observer ?
Comme aux temps héroïques de la colonisation où les alliés africains des colons, les futurs « tirailleurs sénégalais », jouaient déjà le rôle d’instrument des conquêtes des régions du Sud, il nous est donné d’assister à une scène identique.
Ainsi, ceux qui se font appeler sans humour « les guerriers », dénués de tout sens patriotique, ne veulent-ils pas savoir ni pour quoi ni pour qui ils se battent. C’est en toute inconscience qu’ils tuent, violent, pillent, détruisent tout sur leur passage, comme si leur unique motivation était de prendre leur revanche sur le Destin, en réécrivant l’Histoire sous l’impulsion de phantasmes de surcompensation. En effet, le moment semble venu, pour ces humiliés de la conquête coloniale, d’abréagir leurs pulsions refoulées en utilisant leurs frères du Sud comme des boucs émissaires. Délirant !
Le mécanisme de substitution, « moyen de défense » contre le vécu de castration, est ici à l’œuvre. On identifie le Colon avec l’autre Nègre et on croit se laver des humiliations que le Colon a infligées parce que, sous le commandement du Colon, on humilie les Noirs de la forêt, appelés avec mépris «Bushumanis ».
Ces braves « guerriers » qui boivent le sang de leurs frères tués, éventrent des femmes enceintes, fracassent la tête des bébés contre les murs, il faut les considérer comme les substituts des combattants des royaumes sahéliens, aliénés par la douleur de voir leurs souverains défaits et humiliés, fiers « Sofas » traumatisés, qui s’identifièrent au colonisateur pour se « défendre de l’intolérable réalité » (la dépendance) à laquelle ils se virent brutalement confrontés.
Il en résulta qu’ils retournèrent leur haine contre leurs Autorités légitimes disqualifiées et transmirent à leurs descendants l’obligation de s’en décharger sur d’autres Noirs (non parrainés) comme il nous est donné de le constater aujourd’hui.
Le « séisme » colonial ne fit pas seulement basculer de braves guerriers dans la folie, il poussa au suicide le roi Ba Bemba lui-même, dans Sikasso au temps de la conquête du Soudan. Quant à l’Almamy Samory, l’expression la plus parfaite du génie militaire et politique du Monde négro-africain, on connaît le sort révoltant que les nouveaux maîtres lui réservèrent : ils le déportèrent au Gabon et s’approprièrent son Empire.
La « compulsion à la répétition » caractérise, de toute évidence, le mouvement de l’Histoire. Ainsi, ne sera-t-on pas surpris d’apprendre que, dans ces périodes sombres où se jouait le destin de l’Afrique, l’Empereur de Kong n’hésita pas à signer un traité d’alliance avec les troupes françaises, contre Samory le résistant.
Et c’est en récupérant les soldats démobilisés et aliénés des royaumes sahéliens défaits, et en les utilisant comme « auxiliaires » dans ses troupes que la France a bâti son Empire colonial, sur les ruines fumantes des organisations socio-politiques africaines. L’institution des régiments de « tirailleurs sénégalais » qui devaient lui servir de « fer de lance » pendant les guerres franco-allemandes, est un legs de la colonisation.
Suret-Canale , un éminent historien français, dit à ce propos dans son ouvrage « Afrique Noire, Histoire »:
« On a pu dire que la conquête de l’Afrique Noire avait été l’œuvre des Africains eux-mêmes, instruments inconscients de l’asservissement de leurs frères de race, en fin de compte, de leur propre asservissement. C’est parfaitement clair pour l’utilisation des alliés provisoires qui contribuèrent aux victoires françaises avant d’être écrasés à leur tour. » Qui ne se souvient de l’épisode funeste du « camp de Tiaroye » ?
On s’aperçoit avec horreur, en considérant les événements actuels, à quel point les Négro-africains, traumatisés par les exactions du colonisateur, ont retourné contre eux-mêmes leurs pulsions de mort. Entraînés par la « compulsion à la répétition » voyez comme ils traitent leurs frères : comme les colonisateurs les ont eux-mêmes traités. Ils ont le « diable au corps » et s’acharnent à rendre les coups reçus des colon à leurs frères colonisés. « Ils sont fous ces Nègres » !
On tremble à l’idée que les « frères du Nord » mènent cette guerre sans merci pour restaurer dans leurs passe-droit ces Puissances impérialistes qui se sont partagé notre Afrique comme un vulgaire « gâteau ».
En effet, dans « A quand l’Afrique » Ki-Zerbo écrit:
« Le colonialisme était un système qui s’est entièrement substitué au système africain. Nous avons été aliénés, c’est à dire remplacés par d’autres, y compris dans notre passé, les colonisateurs ont préparé un hold-up de notre Histoire … L’Afrique a été empoignée, partagée, dépecée, et on lui a imposé ce rôle : fournir des matières premières. Ce pacte colonial dure jusqu’à présent. »
Le temps a passé et les acteurs ont changé de masques mais rien n’a fondamentalement bougé et nous continuons d’assister à la réédition de la « tragédie coloniale » : un affrontement sans merci pour la reconquête et à la remise sous tutelle de l’Afrique par les « Puissances européennes », après la parenthèse hypocrite de la décolonisation, avec la collaboration renouvelée d’une partie de ses propres fils, qui se sont identifiés à ses agresseurs.
L’Histoire est absurde parce qu’elle aspire à se répéter au mépris des intérêts des peuples. C’est pourquoi il nous faut l’étudier dans la perspective de la Connaissance afin de casser son ressort à la « répétition de l’Horreur ».
Mais il est évident qu’atteindre ce louable objectif n’est pas une petite affaire et postule la capacité de surmonter le traumatisme causé par l’horreur, en la regardant en face, en maitrisant la terreur qu’elle inspire, par la connaissance. Epreuve cruciale à laquelle les hommes échouent inexorablement. Le destin de l’horreur cette abjection, est d’être objet de déni et de refoulement inéluctables qui créent les conditions favorables au « retour du refoulé ».
La toute-puissance des « pulsions à la répétition » est donc le résultat de l’impuissance de l’homme à surmonter le traumatisme de l’horreur auquel le confronte la toute-puissance de ses pulsions de jouissance et à le maitriser par la connaissance. C’est pourquoi l’histoire des individus et des collectivités est sous-tendue par la compulsion à la répétition. Après les horreurs de la Grande guerre, ne sommes-nous pas en train d’assister, sidérés, à de nouvelles horreurs, « petites » sans doute, en attendant celle qui dépassera la Shoah ?
C’est peut-être ici le moment indiqué de proposer des pistes pour tenter de sortir l’humanité de la « spirale infernale » où elle s’autodétruit à ajouter des horreurs aux horreurs par l’abus du droit d’intervention et de frappes préventives.
La psychart-thérapie est cette piste éclairée par les formes préverbales ces « rayons d’espoir », constituants du Langage refondé.
La finalité de la psychart-thérapie est de favoriser la libération totale des pulsions sadiques sur un support adéquat, et de s’auto-gratifier sur le mode du « faire-semblant » de la jouissance de détruire par les moyens qu’inspire l’imaginaire sadique.
En effet c’est comblé de destruction-jouissance que l’« être de pulsions » apaisé et détendu, va acquérir enfin la capacité de s’ouvrir à la pénétration du Verbe : principe de structuration symbolique. La création des formes préverbales constituants du Langage re-fondé est à l’origine de l’émergence de l’être authentiquement social.
Ainsi la psychart-thérapie est-elle appelée à remplir la fonction de substitut contemporain de la technique de « production des hommes » (initiation) dans la société originaire.
La société des hommes ressemble sans doute à une basse-cour où , lorsque le coq donne un coup de bec à une poule, qui transmet l’énergie reçue à sa voisine qui, à défaut d’avoir une congénère dans le voisinage, est contrainte de piquer le sol pour se décharger de l’énergie perturbatrice.
Ainsi procèdent également les hommes dans le contexte social où celui qui subit la violence s’identifie à l’agresseur pour s’en décharger sur plus faible que lui, un chaînon de la concaténation étant à un « moment de grâce » remplacé par un support artistique grâce auquel un être investi par le Verbe émerge de la « clôture anale » et fait le Saut « humanogène » dans le champ de la métaphore : lieu où il est donné à l’homme de s’adonner à son obsession, la jouissance-destruction , sur le mode du faire-semblant.
Toutefois, il faut l’avouer, le fait de« boucaner » la jouissance en la déplaçant au plan de la métaphore en concoctant un gribouillis et le manipulant, ne comble pas l’être anal qui demeure nostalgique de la « jouissance du corps ». L’accomplissement humain postule la maîtrise symbolique des pulsions anales au moyen de l’activité artistique créatrice de formes préverbales : éléments constituants du Langage.
Puisse la psychart-thérapie aider l’humanité à casser la compulsion à la répétition à l’origine des guerres toujours recommencées.
GROBLI Zirignon, Psychanalyste, psychart-thérapeute
Art Thérapie et la Resolution des Conflits
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Features
Release Date | 2005-11-01T00:00:01Z |
Language | Français |
Number Of Pages | 208 |
Publication Date | 2005-11-01T00:00:01Z |
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Is Adult Product | |
Release Date | 2012-06-06T21:43:54.000Z |
Language | Français |
Number Of Pages | 495 |
Publication Date | 2012-06-06T21:43:54.000Z |
Format | Ebook Kindle |
La re-surrection de kam
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Release Date | 2014-09-02T00:00:01Z |
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Number Of Pages | 152 |
Publication Date | 2014-09-02T00:00:01Z |