Les travaux poursuivis en histoire et en linguistique dans la suite de Cheik Anta Diop et Théophile Obenga ont un intérêt incontestable ayant contribué à apporter les preuves supplémentaires de l’antériorité de la civilisation noire et à fonder définitivement les thèses du professeur Diop. Mais il est évident que les voies historique et linguistique ne suffisent pas puisque, tout le monde le sait et le dit, l’intrusion de l’homme blanc dans la vie de l’homme noir a aussi opéré des traumatismes psychologiques et des distorsions dans la personnalité des Kamites.
C’est pourquoi, le temps est venu, selon nous, d’entreprendre des investigations psychologiques susceptibles d’étendre notre libération au plan de l’esclavage mental.
Le programme de la Renaissance noire ne doit pas, s’il veut se donner toutes les chances de réussite, faire l’économie de la lutte pour la désaliénation psychologique qui fournirait aux Kamites les moyens idoines de se réapproprier leur histoire et leur place dans la Communauté humaine.
La reconquête par l’homme noir de sa liberté authentique postule qu’il retrouve au moyen de la psychart-thérapie, (technique originale qui combine les apports de la psychanalyse et de l’art-thérapie) la pleine autonomie de sa volonté aliénée à la volonté de l’homme blanc.
Il faut absolument que nous sortions de cette pathologie du larbin qui sait mais qui se comporte comme s’il ne savait pas.
Les contes et légendes africains rapportent que dans les temps anciens on rencontrait des hommes blancs (comme des revenants) à cheveux broussailleux et longs et qu’il arrivait que ces êtres errants capturent les enfants d’Homme qui s’éloignent du village et les amènent dans leur pays sis au fin fond de la forêt. Je me suis souvent demandé: que deviennent ces enfants noirs enlevés ?
L’«eau du cœur me monte aux yeux» lorsque je pense au sort dont fut l’objet Angelo Soliman ce Noir condamné à être empaillé et exposé dans un «musée d’Histoire Naturelle» en compagnie d’autres curiosités exotiques «pour dette impayée».
Cet homme était un franc-maçon qui avait occupé le poste de grand-Maitre dans une Loge allemande la «Vraie harmonie» qui réunissait l’élite aristocratique viennoise. A la demande de la fille de cet homme ami de Mozart et de Haydn de racheter la dette de son père afin de lui offrir un enterrement digne et la paix dans l’Autre monde une fin de non-recevoir fut opposée.
Un incendie qui opportunément ravagea le musée sauva de l’ignominie le grand homme empaillé et exposé aux quolibets des visiteurs.
L’eau du cœur me monte aux yeux et je ne puis m’empêcher de faire le lien avec la «Vénus hottentote» : Saartjie Baartman.
Le Noir déporté au pays des hommes blancs a le «vécu» étrange d’être ramené malgré lui aux périodes barbares de l’histoire de l’humanité où l’étranger était considéré comme l’ennemi à exclure malgré son désir d’assimilation.
Des profondeurs de mon être émerge à mon insu une pensée pour mes frères Anton Wilhelm Amo, Paul Panda Farnana, et Ota Benga et je me surprends à poser la question qui meurt sur les lèvres de tout Noir catapulté en Occident : y-a t-il une place «chez les Blancs» pour le négro-africain candidat à l’intégration ?
La haine dont le ressort est la fureur envieuse a le pouvoir de bloquer la faculté de symbolisation et d’enfermer l’être haineux dans le système prégénital où il végète sous la fascination de l’objet anal dont le substitut social est l’or. C’est ainsi que la passion pour l’or va paralyser la faculté de l’homme à symboliser. Pour débloquer l’enlisement de la marche du genre humain vers son lieu d’accomplissement il faut déceler l’objet anal sous l’or son substitut et le soumettre sous la forme de son équivalent symbolique (les matières picturales) à l’activité créatrice de formes préverbales éléments constituants du Langage. Tel est le mode d’entrée de l’homme haineux dans le champ symbolique humanogène. La psychart-thérapie offre une voie de sortie à la société libéro-capitaliste sous-tendue par la passion de l’or.
Des dames de la haute bourgeoisie parisienne n’hésitèrent pas dit-on à consommer la poudre de momie diluée dans leur potage pour tenter de pérenniser leur vie comme toute vie placée sous le signe de la précarité. Confronté à l’angoisse de mort est l’être non structuré est un être « traumatisé » qui ne recule pas devant l’horreur de la profanation dans l’espoir démentiel d’échapper à la mort.
Les vicissitudes de son histoire tragique amenèrent à la trans-formation de l’homme noir en Nègre : processus de déchéance comparable à celui du pharaon qui du statut de sujet détenteur de la Parole (cette nourriture essentielle qui a donné naissance à l’humanité) devint la Parole elle-même objet de jouissance pervers des Barbares réfractaires à l’initiation. C’est ainsi que l’humanité entra dans la période de la négrophagie : signe de la mort de la mère symbolique.
Bien avant que les momies des pharaons ne connaissent l’ignominie d’être réduites en poudre et d’être consommée il a sans doute existé une période de nécrophagie où les Blancs dominés hallucinaient que pour connaitre le «sentiment d’être» ils devaient consommer les cadavres de Noirs à l’abri des cimetières car la nécrophagie c’est la «déformation» de négrophagie.
C’est la haine qui divise et qui oppose les polarités du genre humain aliéné en Noir et Blanc. En effet à l’origine de la « race » blanche il y a les noirs mutants ou albinos qui immigrèrent dans les régions hyperboréales pour échapper aux brûlures du soleil africain qui les expose à des pathologies spécifiques. Les Albinos se réfugièrent donc dans les régions hyperboréales où ils allaient faire connaissance avec le climat réfrigérant des montagnes de glace éternelle. Tombés de Charybde en Sylla comment ces descendants d’Albinos exilés n’auraient-ils pas eu le sentiment d’être persécutés qui les a basculés dans le délire paranoïaque de « supériorité raciale » compensateur de leur misère ? La maladie générique de l’humanité s’avère donc la paranoïa dont la psychart-thérapie est la prise en charge appropriée. D’ailleurs il est aujourd’hui démontré qu’à l’issue de l’affrontement entre Néanthertaliens et Homo sapiens
il s’est produit un métissage dont l’ADN porte les traces. La race pure est une illusion dont un citoyen américain a fait la tragique expérience: voulant créer une association de Blancs authentiques il commanda un test ADN dont les résultats devaient lui être communiqués à la télévision. Ce qui fut fait. Publiquement désillusionné sur sa pureté raciale, ce brave raciste, selon les médias se suicida.
Le postulat bien compris de l’initiation fait de l’homme primitif un « être de pulsions » qui n’accomplit sa destinée d’être social qu’à la faveur de la castration symbolique et l’injection du Verbe par le maître d’initiation. Telle la condition nécessaire à l’élaboration d’un imago principe de la structuration humanogène de l’être de pulsions. Ce point crucial de la reconstruction de l’être humain après la guerre allègrement évacué de tout temps n’interpella pas la conscience nationaliste du général de Gaulle qui ne se posa pas la question de savoir ce que deviendraient après la deuxième guerre mondiale les pulsions martiales qu’il cultiva dans les miliciens et dans l’homme du peuple (lorsqu’il enjoignit aux premiers de retourner à leurs occupations habituelles)Il est intéressant de noter que le tribunal de Nuremberg lui-même éluda la question du devenir des pulsions sadiques libérées.
Il est évident que ces pulsions n’ont pas été éradiquées du jour au lendemain du fait de l’arrêt de l’état de belligérance et de la condamnation des «crimes contre l’humanité» : elles trouvèrent sans doute refuge dans le peuple et ses dirigeants et il est permis de postuler qu’elles sont à l’origine de l’asociable-sociabilité de l’être humain et de ses pulsions à la guerre toujours recommencée.