Sept Février 2014. Cela fait aujourd’hui 28 ans que notre ancêtre bienheureux et bienfaiteur Cheick Anta Diop est retourné à son Ka. Et comme chaque année, nous allons commémorer sa mémoire, selon le rituel mis en place depuis des années par ceux qui le reconnaissent comme «ancêtre bienheureux», avec tout ce que cela implique. Mais cette journée spéciale pour nous devrait également être une occasion d’une véritable introspection.
Depuis que le Wousirè CAD nous a légués son savoir à travers ses travaux, ses différents ouvrages, qu’en avons-nous fait ? Où en sommes-nous dans la poursuite du combat qu’il a initié et dont nous nous targuons trop souvent d’en être les continuateurs (šmsw Diop) ?
Nous allons essayer de la manière la plus synthétique possible de parcourir le travail de Diop, d’en extraire sa spécificité, de voir pourquoi il est important de s’en imprégner, et en quoi il est salutaire non seulement pour L’Afrique mais également pour toute l’humanité d’en être les continuateurs. Car effectivement, le travail de Cheick Anta Diop doit être considéré comme un patrimoine culturel et scientifique mondial, et non seulement « africain ».
Cette communication se voudra la plus courte possible ; ce qui en soit est un exercice difficile, car comment parler de cet homme exceptionnel et de son travail colossal en quelques lignes ? Nous prions donc d’entrée de jeu nos lecteurs de faire preuve de compréhension si le contenu de la communication leur semble maigre. Mais au moins nous espérons que cela poussera tout un chacun à approfondir par ses propres recherches la connaissance des travaux du Maître, pour mieux en saisir la profonde utilité.
Qui était donc Cheick Anta Diop ? Nous n’exagérerons pas en disant que c’est l’un des plus grands savant qui ait vécu dans ce siècle. C’était un savant pluridisciplinaire, et cela selon les critères académiques. Cheick Anta Diop est parmi les rares historiens dans le monde qui ont créés une théorie scientifique de l’histoire universelle. Il maîtrisait pour cela la pluridisciplinarité ; c’est-à-dire qu’il avait une maîtrise des sciences « dures » et des sciences sociales et humaines.
Cheick est celui qui a permis non seulement à L’Afrique mais à tout le reste du monde de restaurer sa conscience historique, afin que ce dernier amorce in fine le processus de réconciliation avec lui-même.
Cheick Anta Diop est celui qui a éclairer l’histoire de L’Afrique, mais aussi celle de L’Occident, Celle de L’Asie. C’est lui qui a par exemple éclairer l’origine des sémites, des arabes, etc. Et cela en utilisant des sources inédites voir cachées par les historiens des autres peuples.
C’est dès les années 1945 que CAD décide de réécrire l’histoire de l’humanité, car cette dernière le gênait. Car il a pu se rendre compte assez tôt qu’elle était infestée d’idéologies racistes, ce qui la rendait donc incapable de rendre compte de manière objective des processus d’évolution de tous les peuples de la terre. Il était effectivement anormal pour lui de constater que certains peuples s’arrogeaient toutes les expériences ayant emmenés à l’établissement de la civilisation, et que d’autres peuples – « africains » en particulier – étaient comme « suspendus dans la nuit noire ».
Son projet donc de réécriture de l’histoire s’est matérialisé à travers plusieurs ouvrages majeurs, dont celui qui a ouvert la voie est « nations nègres et cultures ; de l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels noirs de L’Afrique d’aujourd’hui ». Nous citons à dessein le titre entier de cet ouvrage, car trop souvent on impute au travaux de CAD un caractère passéiste, alors que le titre même de son ouvrage indique bien qu’il s’agit plutôt d’un travail prospectif.
Les ouvrages qui ont suivis, notamment « antériorités des civilisations nègres ; mythe ou vérité historique » qui était en quelque sorte une réponse aux critiques parfois même violentes que son premier ouvrage avaient suscités, « l’unité culturelle de L’Afrique noire », « L’Afrique noire précoloniale », sont tous des ouvrages dans lesquels CAD a essayé de rendre compte de la manière la plus objective de l’apport de toutes les civilisations dans ce long processus qu’est l’évolution de l’humanité. Il a essayé surtout de redonner à L’Afrique sa place de pourvoyeur non seulement de La Vie, mais aussi de la civilisation. Contrairement à ce qui était admis, même dans les milieux dit scientifiques. Ce qui explique comme nous l’avons dit les critiques violentes qui lui étaient infligés et l’ostracisme académique qu’il a subit, même dans son propre pays. Ce qui n’a jamais ébranlé par ailleurs sa volonté de diffuser le plus possible le résultat de ses recherches qu’il soumettait volontiers à la critique de quiconque. Ce qui atteste de sa démarche purement scientifique. On ne pourrait pas en dire autant de certains de ses détracteurs passés et actuels.
La spécificité du travail de CAD se résume dans sa méthode pluridisciplinaire de recherche. Méthode qu’il a magistralement appliqué lors de sa confrontation avec les plus grands savants mondiaux dans le domaine de la linguistique, de l’égyptologie, etc lors du Colloque du Caire en 1974. Colloque qui avait pour but de déterminer à quel peuple on devrait rattacher le peuple égyptien, et à quelle famille linguistique également l’ancien égyptien devait être rattacher. C’est le lieu de rappeler ici que CAD avait déclaré que si contre toute attente les résultats du Colloque du Caire lui était défavorable, il cesserait de travailler sur l’Égypte ancienne. Mais que si par contre les conclusions de ses travaux l’emportaient face aux théories d’une population ancienne égyptienne « méditerranéenne, blanche » et d’une langue « afro-asiatique » ou « sémitique », il faudrait que L’UNESCO qui avait organisé la rencontre en tire toutes les conséquences en changeant les manuels scolaires qui reprennent ses vieilles théories fausses et entachées d’orgueil de race ; ce qui n’a pas sa place sur le terrain scientifique. Il est regrettable encore aujourd’hui de constater que malgré que les travaux de CAD l’ont officiellement emportés sur les autres, les manuels n’ont pas été changés, ses travaux sont toujours frappés d’ostracisme dans les milieux académiques et on lui oppose une conspiration du silence. Nous invitons donc nos lecteurs à prendre connaissance du rapport du dit colloque, afin qu’ils se rendent compte de l’ampleur de la mauvaise foi de certains qui ont la prétention d’instruire l’humanité sur son histoire.
Il est tout à fait anormal qu’à ce jours, dans les ouvrages à prétention scientifique, on parle de l’égyptien ancien comme étant une langue « chamito-sémitique » ou encore « afro-asiatique ». Il est tout à fait anormal que dans les milieux universitaires, on continu à répandre des légendes selon lesquelles La Grèce serait le berceau de la civilisation, de la démocratie, de la philosophie, etc (le miracle Grec ; qui est plus un mirage grec). Il est tout simplement déplorable qu’à ce jours, on ne reconnaisse pas clairement et sans ambiguïtés que le génie humain – dans tous les domaines – s’est sédimenté à partir des confins de L’Afrique, selon un axe Sud-Nord. Et cela malgré toutes les preuves scientifiques fournies par CAD.
Il est évident que cette acceptation des faits entraînerait une déchirure, une césure dans la psyché de ceux qui s’arrogent toutes les réalisations de l’humanité. Mais cela ne peut être que salutaire, car elle est la condition sine qua non pour réconcilier toute l’humanité avec son histoire, donc avec elle-même. C’est cela qui motivait le travail de CAD, et non une pseudo volonté de « galvaniser les peuples africains » en leur attribuant une hypothétique histoire glorieuse.
Nous pensons sincèrement que même aujourd’hui, c’est la motivation de CAD qui devrait gouverner tout chercheur sincère qui prétend suivre le chemin du Maître. Cette motivation devrait se matérialiser par une volonté ferme de produire le savoir dans tous les domaines (politiques, économiques, sociales, scientifiques, etc), et non être un répétiteur du savoir des autres, en particulier quand il est biaisé par des interférences idéologiques, raciales, et autres. Ensuite, il faut maîtriser et diffuser ce savoir, et cela dans tous les milieux, dans tous les lieux.
Il est de ce fait déplorable que beaucoup de ceux qui se réclament de CAD aujourd’hui font plus que le répéter, au lieu de faire comme lui ; à savoir produire le savoir. Nous pensons que si Le Maître était vivant, il serait attristé de voir à quel point ses travaux n’ont pas été dépassés par des recherches plus approfondies.
C’est donc un appel que nous faisons à tous les šmsw Diop pour un réel sursaut, et pour se mettre au travail au lieu de se complaire dans des redites qui ne font pas avancer la cause pour laquelle il a combattu toute sa vie. Car ce faisant, nous honorerions mieux sa mémoire.
Que Le Ka de note Maître à tous repose en paix en compagnie de tous les ancêtres bienheureux et bienfaiteurs, et que de là où ils sont, qu’ils nous inspirent encore et toujours.
Tshiwala Ngalula Kalengayi
Cheikh Anta Diop : L'Homme et l'Oeuvre
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Features
Release Date | 2003-07-01T00:00:01Z |
Edition | 2e édition |
Language | Français |
Number Of Pages | 416 |
Publication Date | 2003-07-01T00:00:01Z |