Ce n’est pas parce qu’on n’a pas les moyens matériels qu’on ne doit pas entreprendre. Si les moyens matériels étaient la condition absolue pour entreprendre, l’être humain en serait encore au stade du primate. En effet le langage, fondement de la culture, cette caractéristique de l’être humain, postule l’apparition d’un être visité par le verbe, parmi les primitifs.
C’est à juste raison que la tradition africaine place un être d’exception à l’origine de la création de la société, des êtres «possédés»: les ziri-gnons ou komians, la fonction de ceux-ci étant de servir d’instrument au Verbe dans l’activité créatrice de formes préverbales: éléments constituants du «défilé» du langage.
Le fait d’être démuni dans la préhistoire n’empêcha donc pas la lignée des porteurs de Verbe de s’arracher au cycle de la nature, par la création du langage coextensif aux œuvres pariétales.
Le jour où l’homme primitif a rompu avec la lutte d’un homme contre tous pour la survie et se retira dans les profondeurs d’une grotte où dans l’état de transes il réalisa des œuvres picturales, il inaugura l’ère de l’humain.
Pour entreprendre il suffit à l’homme d’être porteur de Verbe. C’est pourquoi l’«ouverture » au Verbe, principe de toute activité créatrice, est la condition nécessaire et suffisante pour entreprendre. La psychart-thérapie est la mise en pratique de cette conception de l’existence léguée par les pères-fondateurs de l’humanité auxquels l’impétrant se fait un honneur de s’identifier. Telle est la seule manière de renouer avec la marche vers Lieu de son accomplissement.
Pour en finir avec cette culture-fossile et faire la promotion d’une culture vivante accoucheuse d’un homme nouveau, les surréalistes préconisèrent le principe de l’association libre de mots qui se présentent spontanément à l’esprit. On sait que les résultats de cette technique de création ne furent pas toujours couronnés de succès et que l’on eut à déplorer des accidents parmi lesquels des suicides et des épisodes psychotiques. L’échec de la révolution surréaliste ne doit plonger dans le pessimisme absolu les hommes en quête du plaisir d’exister.
Au contraire, de même que nos ancêtres (les hommes préhistoriques) réagirent contre le cycle infernal de la nature en ouvrant la voie de la métaphore culturelle par la création de langage, ainsi avons-nous le devoir sacré d’opposer une fin de non-recevoir au totalitarisme auto-reproducteur de la culture-fossile vidée l’âme du Père-fondateur par les pulsions de profit maximum et de «plus-de-jouir».
C’est le désir impénitent de salut qui nous a amenés à nous réfugier dans le jeu de la manipulation de la matière, en mettant entre parenthèse l’activité verbale, pour nous identifier au scarabée, à l’image de notre mère la «Potière des origines». C’est cette activité simplement manipulatrice de la matière rythmée par les scansions du désir qui, après le passage nécessaire par le cabinet du psychanalyste, nous a amenés à la psychart-thérapie.
A l’origine de la psychart-thérapie il y a donc, il faut avoir le courage de le dire, le désir de fuir de cette civilisation mortifère et de déboucher sur un ailleurs régénérateur. Le psychart-thérapeute est comparable à ces navigateurs qui fuyaient l’Europe ravagée par la peste noire, la grande famine, les guerres et qui s’aventuraient sur les mers, en quête de havre où ils seraient heureux de vivre. Mais, à l’opposé des conquistadors l’impétrant en psychart-thérapie n’a pas eu à s’affronter à des hommes dans leur société, l’aventure psychart-thérapique se situe dans le champ de la métaphore, sur le support artistique et les ennemis qu’elle affronte et qu’elle massacre ce sont des ennemis imaginaires qu’elle ressuscite ensuite sous des formes symboliques.
Ah, si les conquistadors avaient connu la psychart-thérapie.
Ah, si les impérialistes actuels pouvaient avoir connaissance de la psychart-thérapie, comme le monde changerait et deviendrait un Oasis où il fait bon vivre !
Aussi bien la difficulté majeure à surmonter est-elle de trouver le moyen d’arracher les hommes aliénés par le libéro-capitalisme à se détourner de la lutte destructrice pour le profit maximum et le plus de jouir et à s’orienter vers l’atelier de psychart-thérapie. L’atelier de psychart-thérapie c’est le substitut du bois sacré des sociétés primitives où le futur citoyen était tenu à l’obligation d’initiation avant son insertion à la vie sociale.