Nous devons au psychologue martiniquais Frantz Fanon, l’une des plus belles analyses des effets de l’aliénation culturelle:
“Il y a une constellation de données, une série de propositions qui lentement, sournoisement, à la faveur des écrits, des journaux, de l’éducation, des livres scolaires, des affiches, du cinéma, de la radio, pénètrent un individu en constituant la vision du monde de la collectivité à laquelle il appartient”.
Le poète martiniquais Aimé Césaire, dans son “discours sur le colonialisme”, dresse un inventaire concis des effets de l’aliénation culturel:
“Je parle de millions d’hommes a qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement d’esprit, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme”.
L’aliénation culturel avilit l’esprit africain, car elle le force à se concevoir dans le rapport psychologique qui l’oppose à la conscience agressive occidentale, comme une entité d’essence inférieur. Son besoin légitime de valorisation dans le contexte social blanc, le force à rejeter toute trace de son moi nègre originel et à se placer sous la tutelle culturelle de la conscience extérieure dominatrice. Son idéal religieux, conjugal, culturel, historique, philosophique et économique va fuir cette négritude socialement dévalorisante, pour s’identifier aux idéaux du paradigme occidental.
L’aliénation peut se manifester dans la violence. Violence de ceux qui utilisent des produits nocifs pour s’éclaircir la peau, violence des religieux qui rejette toute idée d’un Dieu unique KM (mais qui ne voit aucun problème pour le diable noir), violence de ceux qui s’occidentalisent à outrance, violence de ceux qui profitant des faveurs des médias occidentaux, fustigent ceux qui refusent toute aliénation culturelle.
A ce sentiment d’aliénation culturel vient encore se greffer une sensation général de crainte, de peur indescriptible impalpable face à l’obligation d’avoir à lutter pour sa liberté. Dans un tel contexte, l’aliénation culturel se fait naturellement l’allier de la peur, la désorganisation, la résignation. Les hommes et les femmes croient lutter en sombrant dans la débrouillardise qui n’est qu’un palliatif, qu’une fuite en avant. On le voit, ces situations sont le fruit de ce fameux conflit entre le moi africain agressé et le surmoi occidental conquérant.