Introduction
Parler de l’Afrique, parler de la tradition africaine, c’est parler de la spiritualité. Parler de l’élégance africaine nous renvoie indubitablement à parler de NZAMBI (DIEU) car pour nos ancêtres tout, absolument tout, était lié à NZAMBI.
Je vous invite donc à faire un voyage dans le temps et dans la tradition africaine afin d’essayer de comprendre pourquoi nos ancêtres accordaient autant d’importance à l’élégance et au style, et pourquoi nous, leur descendant, poursuivons dans cette voie.
I.Voyageons dans le passé
C’est un secret pour personne que les Africains et les Afro-américains, aiment beaucoup s’habiller, qu’ils accordent de l’importance au style et à l’élégance. On pourrait croire que ces derniers sont matérialistes, ou qu’ils portent trop d’intérêt à l’apparence; mais il n’en est rien.
En réalité, si l’on veut comprendre les raisons pour lesquelles les Africains et les Afro-américains aiment autant s’habiller et accordent beaucoup d’importance à l’élégance, à la sape, il faut s’intéresser à la tradition spirituelle africaine. Mais avant d’évoquer les considérations spirituelles, voyageons et remontons le temps.
Existe t-il dans le passé des données historiques attestant que les Africains avaient l’habitude d’ être élégants et stylés ? A cette question, je réponds par l’affirmative.
Les premiers explorateurs européens qui débarquèrent en Afrique à partir du 14ème siècle nous livrent des informations capitales sur l’élégance des anciens africains:
“Lorsqu’ils (les navigateurs européens) arrivèrent dans la baie de Guinée et abordèrent à Vaïda, rappelle l’ethnologue allemand Leo Frobenius, les capitaines furent fort étonnés de trouver des rues bien aménagées bordées sur une longueur de plusieurs lieues par deux rangées d’arbres : ils traversèrent pendant de longs jours une campagne couverte de champs magnifiques, habités par des hommes vêtus de costumes éclatants dont ils avaient tissé l’étoffe eux-mêmes ! Plus au sud, dans le Royaume du Congo, une foule grouillante habillée de soie et de velours, de grands États bien ordonnés et cela dans les moindres détails, des souverains puissants, des industries opulentes. Civilisés jusqu’à la moelle des os ! Et toute semblable était la condition des pays à la côte orientale, la Mozambique, par exemple”.(Cf. Histoire de la civilisation africaine)
Des Africains vêtus des “costumes éclatants”, des Kongolais habillés de soie et de velours…au 14ème siècle. Voici donc l’origine de la sapologie ?
Est-il possible que les Sapologues aient simplement reproduit, puissé dans leur subconscient, une ancienne habitude africaine. Je crois que oui.
Le Bokoko (l‘art et la manière de vivre des anciens africains) enseigne qu’il n’ y a rien de nouveau, car l’homme n’invente pas, il se remémore. Les similitudes entre les danses traditionnelles africaines et les danses afro-américaines montrent que les Afro-américains n’inventent pas, ils reproduisent inconsciemment des mouvements, modifiés et réadaptés, qui existent déjà dans les danses traditionnelles africaines. Par exemple, si vous faites un peu des recherches, vous trouverez l’ équivalent du twerk, une “danse ?” , qui consiste à remuer ses fesses avec rythme et esthétique, dans les danses traditionnelles africaines.
“Les indigènes africains n’apprennent pas en cherchant à l’extérieur d’eux-mêmes; ils apprennent plutôt en se remémorant les connaissances qu’ils possèdent déjà” rappelle Malidoma Somé, un enseignant spirituel africain, dans son ouvrage Sagesse africaine.
Poursuivons notre voyage dans le passé avec l’humaniste hollandais Olfet Dapper (1636–1689) .
Dans son ouvrage Description de l’Afrique, ce dernier écrit :
“ Dans l’Aboréa, proche de la Volta, tous les hommes parmi les Nègres portent une robe de toile de coton… et les femmes portent une robe faite à peu près comme celle des hommes (…) Au Monomotapa, les rois ne changent point de mode, ils portent une robe longue d’un drap de soie tissu dans le pays ; ils portent au côté une serpe emmanchée d’ivoire (…) Les gens du commun s’habille de toile de coton et les grands, d’indiennes brodées d’or (…) Les habitants du royaume de Guinée échangent les toiles qu’ils font (avec leur coton ) (…) Les Nègres de Wanqui ont de l’or et savent faire de forts jolis habits dont ils trafiquent avec les Acanistes “.
C’est deux images illustrent bien les descriptions d’ Olfet Dapper :
Remontons encore un peu plus loin dans le passé. Reculons de 8 siècles, soit 8oo ans.
Voici ce que nous apprend Fabre d’Olivet (1767–1825), un historien français, à propos des premiers Africains, nommés Maures autrefois, qui débarquèrent en France aux alentours du IXème siècle. Il écrit :
“Les hommes blancs aperçurent pour la première fois, à la lueur de leurs forêts incendiées, des hommes d’une couleur différente de la leur. mais cette différence ne les frappa pas seule. Ces hommes couverts d’habits extraordinaires, de cuirasses resplendissantes… “ ( Cf. Histoire du genre humain)
Au IXème siècle, des Africains qui portaient des vêtements extraordinaires. Nous voyons donc que nos ancêtres ont toujours été “sapés comme jamais”. Aussi, avoir de l’élégance, avoir du style est une vielle tradition chez les Africains. On pourrait alors simplement affirmer que ces derniers appréciaient les belles choses, des beaux vêtements. Mais..c’est bien plus profond que cela.
2. La dimension spirituelle de l’élégance africaine
Il est important de rappeler que dans le Bokoko (l‘art et la manière de vivre des anciens africains), avant la colonisation, toutes les activités sociales comportaient une dimension spirituelle, un rapport avec le Sacré, c’est-à-dire NZAMBI (DIEU). Le Bokoko enseigne que tout commence avec NZAMBI et tout se termine avec Lui. Elle nous enseigne également que l’être humain a été crée à l’image de NZAMBI, Le Premier Artiste, et par conséquent, celui-ci est par définition un artiste en puissance. Et du fait de l’analogie entre ce qui est en haut et ce qui est en bas, l’être humain a le devoir sinon la mission d’incarner, de perpétuer et de reproduire, ici bas, La Beauté Divine.
Il doit, à l’instar de NZAMBI (DIEU), créer lui aussi des chefs d’œuvres. Car la Création est un chef d’ oeuvre. L’univers est un chef d’oeuvre absolu. C’est pourquoi, les Africains recherchent toujours la beauté, l’esthétique, la symétrie et l’harmonie dans tout ce qu’ils font.
Nous pouvons constater cela dans plusieurs domaines. Par exemple…
Dans l’architecture :
Dans la coiffure…
Dans les vêtements…
Ce besoin d’être toujours élégant et propre, s’explique du fait que dans le Bokoko (l‘art et la manière de vivre des anciens africains) le corps humain est considéré comme un temple. Un temple où NZAMBI (DIEU). réside. Par exemple, en lingala, le corps se dit NZOTO.
Dans un très bel ouvrage intitulé MUKULU, discours de l’ancêtre africain, Ya Elima, thérapeute et initiateur de la danse d’ancrage Longo, nous apprend ceci :
“NZOTO ( Inzo) signifie “ maison” ; To désigne “nous,notre”. Ainsi NZOTO ( Notre Corps) peut se traduire par “ notre maison”. Pourquoi “notre” corps, et non “mon” corps ? Pourquoi le pluriel, et non le singulier ? Sachez que, dans le corps, cohabitent, non seulement KA (moi individuel), mais aussi MOZALI (Celui Qui Est, DIEU). Dans le corps, MOZALI fait l’expérience de lui-même à travers le moi individuel, qui lui, manifeste MOZALI. NZOTO (Notre Corps) est un temple où convergent toutes les énergies. Il représente tout le cosmos en miniature”
Aussi, parce que NZAMBI (DIEU) réside dans notre corps, il était important pour nos ancêtres que celui-ci soit constamment propre et recouvert des magnifiques et jolis habits. Si pour les chrétiens, les musulmans, il est important qu’une église ou une mosquée soit propre, bien aménagée et bien entretenue car en ces lieux les fidèles communient avec Dieu; pour les anciens africains, il était important que le corps humain soit propre, bien habillé et bien entretenu car il est la Demeure de NZAMBI (DIEU). C’est pourquoi ces derniers avaient pour habitude de porter des vêtements jolis et extraordinaires.
Cette tradition a survécu à la colonisation et au Maafa (les traites négrières) et s’est transmise jusqu’ aujourd’hui. Voila pourquoi, les Africains et les Afro-américains accordent beaucoup d’importance au style, veulent toujours être élégants et bien habillés. C’est une manière d’honorer NZAMBI (DIEU).
D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si le Swag a été inventé par les Africains-américains. D’après ce que je pus lire sur le net, il vient de l’expression anglaise “Swagger” qui signifierait “la manière de se présenter au monde avec confiance et avec style.”
Presque tout ce que les Afro-américains “créent” dans le domaine artistique possède une correspondance dans les traditions africaines. Ces derniers puisent dans leur subconscient le génie ainsi la créativité des Bakoko (des ancêtres). Avoir le style, chez eux, est aussi quelque chose de sacrée.
Toutefois, ne faisons pas d’amalgames!
Dans le Bokoko (l‘art et la manière de vivre des anciens africains), être élégant et stylé ne signifie pas porter des vêtements de luxe au prix exorbitant et se vanter aux yeux de tout le monde que l’on est “sapés comme jamais”. Car le prix des vêtements ne définit pas ce que nous sommes et n’entache en rien notre valeur. Le Bokoko enseigne que nous sommes avant tout des êtres spirituels. Ainsi, notre valeur est inestimable et cela peu importe le prix et la marque des vêtements. Ce qui importe, je crois, c’est la propreté, l’élégance et l’esthétisme avec lesquelles nous portons les vêtements.
C’est en sens que j’apprécie beaucoup la démarche prolétarienne du frère Nafoor Qâa. Ce dernier organise tous les mois des ventes de vêtements vintage de bonne qualité, stylés, à un prix accessible. Je trouve qu’il est carrément dans le Bokoko. Cliquez ici ou ici pour voir ce qu’il fait.
En conclusion, avoir le style, “être sapés comme jamais”, est très important sinon sacré chez les africains et leurs petits frères, les africains-américains. Ce n’est pas par matérialisme mais par respect pour NZAMBI (Dieu) avec qui nous partageons notre corps…